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Le Grand Théâtre est une « salle commune » - 3 Questions à Dominique Bluzet, directeur du Grand Théâtre de Provence


Le récital « Terezin » d’Anne Sofie von Otter, le 15 octobre, constitue l’un des temps forts du début de saison du Grand Théâtre de Provence. A cette occasion, Concertclassic a interrogé Dominique Bluzet, le directeur de la salle aixoise.

Quelle place occupe le récital « Terezin » d’Anne Sofie von Otter dans la saison qui vient de commencer ?

Dominique Bluzet : Ce que raconte Anne Sofie von Otter dans ce spectacle est quelque chose d’important à véhiculer. La musique dite « savante » n’est pas coupée du monde réel ; elle raconte des choses qui concernent notre vie quotidienne, les valeurs auxquelles nous croyons. On ne se rend pas dans une salle de concerts uniquement pour écouter de la musique, on y va aussi pour ce que la musique raconte, ses engagements, son militantisme. Nous aurions pu programmer la chanteuse dans un autre programme, mais le fait qu’une artiste de cette dimension s’engage sur un tel projet et tienne à raconter ce moment de vie et de souffrance complètement insensé me paraît être quelque chose d’essentiel vis à vis du public. Il ne faut pas perdre de vue le sens de ce que l’on fait ; le fondement humain de l’art.

J’ajoute que ce concert sera placé sous l’égide de Pavel Fischer, ambassadeur de la République tchèque en France et ancien conseiller politique de Vaclav Havel. Terezin est à une soixantaine de kilomètres de Prague et P. Fischer viendra dire ce que cela représente pour les Tchèques aujourd’hui.

Quel est le profil général de la votre saison 2009-2010 ?

D. B. : Nous avons une salle jeune, qui fabrique un public qui n’existait pas auparavant. On ne se situe pas dans une aventure qui aurait cinquante, quatre-vingts ou cent ans et il est important de permettre à des gens qui n’ont pas forcément l’habitude d’aller au concert de se constituer des bases. Après avoir travaillé sur Mozart l’an dernier, nous avons cette fois choisi Beethoven comme axe de la programmation. Nous avons un grand cycle autour des symphonies et des concertos de cet auteur où l’on trouve des formations, des artistes très différents : l’Orchestre « Les Siècles », l’Orchestre Français des Jeunes, l’Orchestre National de Montpellier, etc. Et, à côté, des interprètes tels que le jeune pianiste David Kadouch, que je trouve formidable et que je tenais beaucoup à inviter, mais aussi Aldo Ciccolini ou Jean-François Zygel avec lequel nous ferons chaque année un concert de présentation du cycle de la saison.

Après Beethoven, Bach sera à l’honneur en 2010-2011. En plus de cette coloration beethovénienne nous avions envie d’inviter des gens qui nous tiennent à cœur, qui sont chez eux ici, telle Laurence Equilbey qui viendra diriger un programme Rachmaninov, avant que la Capella Saint-Pétersbourg n’apporte sa contribution à l’année franco-russe. Nous recevrons Barbara Hendricks par ailleurs, mais il faut aussi noter l’importance du jazz qui attire un public très nombreux.

Cette programmation protéiforme (on y trouve de la danse également avec Angelin Prejlocaj) permet de dire que le Grand Théâtre est un « salle commune » où des publics différents peuvent se retrouver autour d’un champ musical et chorégraphique assez vaste.

Vous parliez de « fabrication » du public il y a quelques instants ; quelles actions spécifiques menez-vous en direction du jeune public ?

D. B. : Le monde de la musique est très en avance par rapport à celui du théâtre qui n’a pas compris l’urgence de ces actions – ce qui explique le caractère très vieillissant de son public. Il est très important pour moi de mettre l’accent sur les programmes pédagogiques pour fabriquer ce public de demain, pour interpeller une génération montante sur le fait qu’une salle de spectacles est l’un des derniers endroits où l’on se réunit aujourd’hui pour partager une émotion commune.

Notre action pédagogique se décline sous des formes différentes : il peut s’agir aussi bien d’un concert de chants de Noël avec Barbara Hendricks pour des enfants en difficulté que nous organisons avec ATD Quart Monde et la fondation que nous avons créée, que d’un concert de quarante-cinq minutes avec Jean-François Zygel ou « Les Siècles » pour appréhender un univers musical, on encore d’aller en direction des écoles pour y montrer de petites formations. Avec les musiciens de l’Orchestre Français des Jeunes nous allons aussi dans les maisons de retraite et nous proposons à ceux qui y vivent d’inviter pour l’occasion leurs petits-enfants afin de partager l’émotion d’un concert de musique de chambre. Un travail pédagogique classique se conjugue donc à une démarche consistant à aller au-devant des enfants.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 6 octobre 2009

Programmation du Grand Théâtre de Provence : www.grandtheatre.fr

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Photo : Agnès Mellon

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