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Le Couronnement de Poppée selon Leonardo García Alarcón et Ted Huffman au Festival d’Aix-en-Provence 2022 – Baroque, sexy, triomphant – Compte-rendu
Il aura donc fallu attendre près d’une semaine pour vivre le premier succès indiscutable de la 74ème édition du Festival d’Aix-en-Provence. Et comme à l’habitude, ou presque, c’est une partition baroque qui a fait l’unanimité au théâtre du Jeu de Paume, petit lieu par la taille (bonbonnière à l’italienne de 500 places) mais grand site pour permettre aux talents de s’exprimer. Et ce depuis plusieurs années déjà, aussi bien pour les productions de musique baroque (« Trauernacht en 2014, L’Erismena en 2017...), que pour celles de musiques plus actuelles (Le Tour d’écrou en 2001, Les Mille endormis en 2019...). Avec Le Couronnement de Poppée, en une seule soirée, les approximations des autres productions évoquées les jours précédent ont pris un coup de vieux.
© Ruth Waltz
Les clés du succès sont multiples. La composition de Monteverdi, tout d’abord ; écrite pour laisser libre cours aux émotions ; un édifice construit savamment mais qui ne laisse rien transparaître de sa rigueur, proposant un sentiment de grande liberté. Liberté dont s’empare Leonardo García Alarcón pour créer les émotions dont il est question plus haut. Un travail de haute précision pour faire vivre la musique, lui donner du corps, du sang et du sens. Son but : transformer l’orchestre Cappella Mediterranea de simple accompagnant en personnage indispensable à la vie et au dynamisme de la production. Certes il y a les notes, mais il y a surtout la façon de les jouer, de les transcender, il y a aussi ces petits riens, comme les bruitages, qui vont procurer une dimension supplémentaire et indispensable au bon déroulement de l’action. En cette soirée festivalière, la perfection n’est pas loin.
© Ruth Waltz
La perfection, Ted Huffman sait ce que c’est ! Trois heures durant, il dispose ses personnages au cœur d’un dispositif scénique minimaliste et leur propose d’être en autonomie sur le plateau. A charge pour eux de faire évoluer les décors, de changer de costume, d’être les spectateurs lointains mais si proches de la tragédie animée par les sentiments humains : pouvoir, séduction, jalousie, haine, amour, ambition. Un travail de direction d’acteurs d’autant plus énorme qu’il ne souffre aucun temps mort. C’est aussi une des clés de la réussite de cette production, clé dont certains de ses confrères affichés cette année à Aix-en-Provence auraient pu s’inspirer. Ted Huffman prouve ici qu’il n’est pas besoin d’en rajouter des tonnes pour donner toute sa dimension au spectacle et qu’un travail rigoureux et de qualité peut déboucher sur un aboutissement plus qu’heureux.
© Ruth Waltz
Pour y parvenir, le directeur musical et le metteur en scène, ont bénéficié d’une distribution homogène vocalement et lumineuse scéniquement. Force est d’abord de constater qu’une fois de plus pour un spectacle baroque, nous avons pu ressentir un esprit de troupe animant un collectif jeune et ambitieux. C’est, à notre sens, l’une des raisons principales du succès. Ils s’écoutent, se regardent, partagent et s’aiment, c’est indéniable. Ils sont jeunes, beaux et n’ont aucun mal à incarner leurs personnages, avec réalisme et, parfois, partiellement dévêtus ; performances facilitées par des plastiques de rêve et qui, en aucune façon, ne perturbent la qualité de leur chant. Ainsi les scènes d’amour et de séduction prennent ici une dimension vériste qui renforce l’humanité des caractères et conforte, si besoin en était, le côté sulfureux attribué aux relations entre Poppée et Néron !
Leonardo García Alarcón © LeonardoDoPietroMaria
Ces deux derniers idéalement incarnés par Jacquelyn Sticker, ambitieuse et plus que charmante intrigante, et Jake Arditti, inquiétant et jouisseur Néron. Impossible de ne pas citer ici l’intégralité d’une distribution idéale avec la jalousie tout en maîtrise de Fleur Barron (Octavie et La Vertu), le côté amoureux benêt transit de l’Othon de Paul-Antoine Bénos-Djian, Alex Rosen, Sénèque réfléchi et réaliste, Miles Mykkanen et ses faux airs de Bianca Castafiore, désopilant et remarquable dans les rôles travestis de confidente et de nourrice, la Drusilla enamourée et délicieuse de Maya Kherani, et le très présent, scéniquement et vocalement, Amour de l’éblouissante Julie Roset. Laurence Kilsby, Riccardo Romeo et Yannis François complètent avec charme et bonheur cette distribution hors pair au service d’un Couronnement de Poppée, auquel il est difficile d’apporter le moindre bémol. C’est, assurément, l’un des temps forts, voire « le » temps fort, de l’édition 2022 du Festival d’Aix-en-Provence.
Michel Egéa
Monteverdi : L’incoronazione di Poppea – Aix-en-Provence, Théâtre du Jeu de Paume, 9 juillet ; prochaines représentations les 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21 & 23 juillet 2022. Diffusion en direct le 15 juillet à 20h sur France Musique // festival-aix.com/fr/evenement/lincoronazione-di-poppea
Photo © Ruth Waltz
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