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Le Chœur Luce del Canto et le Quatuor Cambini-Paris au Collège des Bernardins – Caplet cet inconnu - Compte-rendu

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Temps fort de la riche programmation culturelle du Collège des Bernardins, le Festival des Heures avait de quoi tenter le mélomane pour sa 4ème édition avec des propositions variées et des programmes intelligemment conçus par Véronique de Boisséson. On en veut pour preuve celui intitulé "Musique et Grande Guerre", qui réunissait le chœur féminin Luce del Canto, dirigé Simon-Pierre Bestion (fondateur de l’ensemble en 2008), et le Quatuor Cambini-Paris dans des pages de Ravel et Caplet.

La luminosité du Quatuor de Ravel a pu être prétexte à des approches excessivement nerveuses, tendues, pour ne pas dire un tantinet « speedées ». C’est tout le contraire que proposent Julien Chauvin et ses trois compères (Karine Croquenoy, Pierre-Eric Nimylowycz et Atsushi Sakaï), adeptes des cordes en boyau comme chacun sait. Moderato indique Ravel : l’Allegro initial sait respirer, sans traînailler pour autant, avec de belles couleurs ambrées. Le ton est donné, celui d’une approche intensément poétique et vécue, de celles qui vous donnent l’impression de redécouvrir une partition rebattue. Par la suite, entre deux œuvres chorales, les Cambini offriront une belle transcription (réalisée par P. E. Nimylowycz) de l’illustre Pavane pour une infante défunte. Simplicité, rejet de tout alanguissement : la justesse du ton et du mouvement fait mouche là encore.

De petits bijoux de musique chorale, l’un de Ravel, les autres d’André Caplet (1878-1925), tiennent compagnie à ces pages instrumentales fameuses. On retient plus de Caplet l’amitié et la collaboration avec Debussy que sa production. L'artiste ne se réduit pas au Miroir de Jésus, au Conte fantastique - si prisé des harpistes - et à des orchestrations d’ouvrages de Claude de France. Bien des merveilles restent a découvrir chez ce créateur raffiné – faisons confiance à la belle revanche que la musique française du XIXe et de la première moitié du XXe siècle est en train de prendre…

La respiration de la nature, que Debussy savait si bien precevoir, est présente aussi dans les merveilleuses Inscriptions champêtres a cappella (1914) sur un poème de Rémy de Gourmont. En moins d’une vingtaine de vers Caplet suggère avec tact l’écoulement des saisons. Ecriture vocale complexe ô combien : l’excellent chœur Luce del Canto et son chef se jouent des difficultés pour donner raison à Dumesnil quand il disait du compositeur : « les audaces, sous sa plume, deviennent choses naturelles, car elle sont en effet l’expression nécessaire d’une pensée hardie ».
Nécessité  qui appartient aussi à la Messe à trois voix « des petits de Saint-Eustache-la-Forêt » où un art splendide se cache derrière une profonde humilité. Mené par un chef qui ne condond jamais précicion et sécheresse, Luce del Canto rend pleinement justice à cette partition méconnue. (1)

En conclusion, les Cambini s’associent à l'effectif choral pour une version de Trois beaux oiseaux du Paradis de Ravel. L’enthousiasme avec lequel le public réclame en bis ce morceau étrange et déchirant vaut tous les éloges. De la très belle ouvrage.

Alain Cochard

(1) Luce del Canto a enregistré ces pages de Caplet dans un CD intitulé « Paroles à l’absent » (NoMadMusic)
 
Paris, Collège des Bernardins, 27 septembre 2014

Photos © Arthur Noël et Camille Métairie

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