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Le Chevalier à la rose à l’Opéra du Rhin - Sous le signe de la commedia dell’arte - Compte-rendu
En dépit de sa réputation néoclassique, Le Chevalier à la rose est en fait un « grand hymne du désenchantement » pour reprendre la formule de Marius Constant. Pleine de sous-entendus, complexe sur le plan orchestral, l’œuvre exige des interprètes une mise en place sans faille : la multiplicité des intrigues les plus cocasses se marie avec le charme rocaille et les affres psychologiques du temps qui passe.
La production strasbourgeoise offre de ce point de vue un véritable travail d’équipe. Loin des débordements baroques des mises en scène à tonalité d’époque, Mariame Clément, familière de l’Opéra du Rhin, opte avec sa décoratrice habituelle Julia Hansen pour la simplicité d’un décor de tréteaux et de rideaux. La légèreté du dispositif scénique est compensée par des références à la commedia dell’arte avec des personnages qui habitent le plateau (parfois de manière désordonnée), ajoutant un élément théâtral voire pictural en référence aux scènes de genre proches des tableaux vénitiens de Pietro Longhi. L’humanité, la sentimentalité, bien qu’évoquées, sont un peu sacrifiées ; le burlesque et la satire l’emportent sur l’atmosphère de compassion, de douleur et de poésie douce-amère.
Melanie Diener incarne une Maréchale empreinte de noblesse et d’élégance, au chant assuré et à la diction parfaite sans pour autant s’élever à la hauteur des grandes interprètes du rôle. A son côté, l’Octavian de Michaela Selinger témoigne d’une belle ardeur vocale et d’une émission large. On est en revanche déçu par la Sophie de Daniela Fally dont le timbre parfois ingrat nuit à la cohérence des ensembles (trio et duo du dernier acte). Les seconds rôles sont bien tenus à l’image de l’Annina de Hilke Andersen, mais Sophie Angebault en Marianne manque d’aisance dans les aigus. Du côté masculin, le baron Ochs de Wolfgang Bankl n’a pas une voix très puissante mais possède un véritable sens du théâtre, donnant à son personnage toute la saveur et la rusticité balourde qui sied à un nobliau de province mal dégrossi. Stefan Pop est tendu dans le rôle du chanteur italien ; le Faninal de Werner Van Mechelen assez terne, tandis qu’Enrico Casari en Valzacchi campe un intrigant persuasif.
La cheville ouvrière de cette production demeure toutefois le chef slovène Marko Letonja que l’on avait pu déjà pu apprécier les saisons dernières dans La Walkyrie et Le Crépuscule des dieux. Il dirige ici son premier opéra de Richard Strauss, mais ses années d’apprentissage auprès d’Otmar Suitner (disciple de Clemens Kraus, lui-même élève de Strauss) en font un fin connaisseur de la musique viennoise. Sa conception du Rosenkavalier est un modèle d’équilibre, de fluidité, de flexibilité ; les bouquets de valses témoignent d’une souplesse et d’une saveur enivrante. Mené de main de maître, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg donne le meilleur de lui-même (même s’il faut parfois calmer les cuivres). Successeur de Marc Albrecht au poste de Directeur musical du Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja prendra effectivement ses fonctions à la rentrée prochaine : une prometteuse période s’ouvre pour la phalange alsacienne.
Michel Le Naour
Strauss : Le Chevalier à la rose - Strasbourg, Opéra national du Rhin ; 20 juin, prochaines représentations les 25 et 28 juin et à Mulhouse (La Filature) le 6 juillet et le 8 juillet 2012. www.operanationaldurhin.eu
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Photo : Alain Kaiser
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