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Le Barbier de Séville selon Pierre-Emmanuel Rousseau à l’Opéra de Marseille – Figaro de Noël – Compte rendu

Passer d’une année à l’autre avec le sourire aux lèvres, c’est possible à deux pas du Vieux-Port où l’Opéra héberge pour les fêtes Le Barbier de Séville et sa cascade de tubes rossiniens. En choisissant la production de Pierre-Emmanuel Rousseau, créée en 2018 à l’ouverture de la saison de l’Opéra national du Rhin, Maurice Xiberras, le directeur de la maison lyrique phocéenne a joué gagnant, les cinq représentations affichant complet. Au soir de la première l’accueil euphorique réservé aux protagonistes ne laissait planer aucun doute sur l’intensité positive de l’appréciation populaire de l’œuvre.
Une mise en scène lumineusement cohérente
Reconnaissons que la proposition de Pierre-Emmanuel Rousseau, qui signe mise en scène, décors et costumes, est lumineusement cohérente, d’une modernité qui ne trahit en aucune façon le livret et son environnement. Rosine est ici recluse par son barbon de tuteur, Bartolo, entre les murs d’un patio sévillan aux lourdes grilles souvent fermées à clé sur lequel veille, depuis son alcôve, une madone toute d’or revêtue. Ici la pupille est placée sous la surveillance de deux laquais souvent endormis et de Berta, la servante de Bartolo. Les costumes confirment que nous sommes bien en Espagne au XVIIIe siècle et, bien entendu, à Séville, puisqu’une procession de la Semaine Sainte ouvre la représentation.

Marc Barrard (Bartolo) & Santiago Ballerini (Almaviva) © Christian Dresse
Prise de rôle réussie pour Eléonore Pancrazi
La Rosine mise en scène par Rousseau, si elle témoigne toujours d’une condition féminine écrasée par le machisme et à la liberté aliénée, mène aussi, ici, une révolte féministe, repoussant fermement les avances de Bartolo, les tentatives d’attouchements de Basilio et s’affirmant en jeune femme amoureuse de Lindoro, qui n’est autre que le comte Almaviva travesti, contre le gré de son tuteur qui veut la contrainte au mariage avec lui « par amour ou par force » ! C’est dit.
Rosine, c’est Eléonore Pancrazi (photo) qui n’a aucun mal à assumer, pour la première fois, ce rôle avec une belle personnalité, entre fragilité post-adolescente et caractère affirmé de la femme presque libérée. A son charme naturel au service d’un jeu souvent délicieux, la mezzo-soprano ajaccienne joint une ligne de chant assurée et précise, ronde et savoureuse, sans éclats intempestifs mais avec une maîtrise bienvenue. Son amoureux, le conte Almaviva, a les traits et la voix du ténor Santiago Ballerini qui se glissait lui aussi pour la première fois dans son personnage. Se relevant d’une vilaine bronchite, le ténor argentin a pris un départ en demi-teinte avant de trouver un équilibre vocal lui permettant d’assurer avec une certaine aisance ce rôle multi-facettes et les travestissements qu’il impose.

Marc Barrard (Bartolo) & Alessio Cacciamani (Don Basilio) © Christian Dresse
Barbier bad boy
Le Figaro de Vito Priante (photo) est assurément le grand bonhomme de la soirée. Une sorte de barbier bad boy, sans domicile fixe mais avec de l’humour et un certain génie qu’il monnaye volontiers pour berner les uns et marier les autres. Du grand art de la comédie et une voix de baryton somptueuse, puissante et idéalement projetée avec des nuances et une précision qui en font l’élément central et essentiel de la comédie. Triomphe assuré… et mérité pour ce Figaro de Noël !

Scène finale © Christian Dresse
Dans le rôle de Bartolo qu’il possède totalement, Marc Barrard excelle sans excès dans le jeu, en barbon plus benêt que séducteur, servi par une voix mature, sans failles et d’une parfaite maîtrise. Quant au Don Basilio d’Alessio Cacciamani, sa taille immense lui confère une présence scénique quelque peu inquiétante et des allures de Commandeur lorsqu’il apparaît au deuxième acte dans l’entrebâillement d’une fenêtre. Vision renforcée par une voix de basse assurée dont il use avec bonheur pour donner un air de la calomnie fort apprécié. Andreea Soare, Berta, Gilen Goicoechea, Fiorello et Norbert Dol, l’officier, complétant sans lacune la distribution.

Alessandro Cadario © alessandrocadario.com
Pour servir ce bijou musical, dont on dit souvent qu’il est la composition la plus aboutie de Rossini, le chœur de l’Opéra de Marseille a travaillé sous la direction de son chef Florent Mayet afin d’affronter du mieux possible les parties virtuoses imposées par la partition, et l’orchestre maison, aux couleurs et au son parfaitement adaptés à la veine romantique italienne, placé sous la direction d’Alessandro Cadario, a tenu sa partie même s’il nous a parfois semblé être moins flamboyant qu’à l’accoutumée. Un simple détail à en juger par la chaleur de l’accueil évoquée plus haut…
Michel Egéa

Rossini : Le Barbier de Séville - Marseille, Opéra, 26 décembre ; prochaines représentations les 28 décembre (14h30), 31 décembre (20h.) 2025, 2 janvier (20h) & 4 janvier (14h30) 2026 // opera-odeon.marseille.fr/programmation/il-barbiere-di-siviglia-1
© Christian Dresse
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