Journal

L’Archipel chante Rossini à l’Auditorium du Louvre – Péchés à quatre – Compte-rendu

Le Louvre possède bien des trésors sur ses murs ; il peut s’enorgueillir aussi de proposer une saison musicale d’une qualité remarquable (Laurent Muraro en assure la programmation depuis 2015), aussi précieuse pour le mélomane en quête de programmes originaux, que pour les interprètes, souvent jeunes, qui disposent là d’un tremplin irremplaçable pour se faire connaître d’un public d’une fidélité exemplaire. En Dieu sait si les petites et moyennes jauges sont chose rare et précieuse dans la capitale... Pas étonnant que le prochain Festival Bru Zane programme quelques uns de ses rendez-vous en ce lieu, l’un des plus centraux et des mieux repérés de la carte des salles parisiennes.

Faire découvrir des artistes de talent dans un programme singulier : le Louvre a été une fois de plus fidèle à ses –  bonnes – habitudes en invitant L’Archipel dans un programme entièrement rossinien. Ce quatuor vocal né, d'une amitié entre jeunes chanteurs, a été constitué en 2018, à l’initiative de Mariamielle Lamagat (sop), Adèle Charvet (mezzo), Mathys Lagier (ténor) et Edwin Fardini (baryt.), et est en résidence depuis cette date à la Fondation Singer Polignac.
Choix idoine pour l’horaire méridien que des pièces (du quatuor au solo) tirées, pour la majeure partie, des Péchés de vieillesse et des Soirées musicales (Il Carnevale di Venezia et le Quartetto Pastorale faisant exception), que l'on découvre accompagnées par Ismaël Margain, l’un des deux pianistes attitrés de L’Archipel avec Guillaume Bellom.

En couple, bras dessus, bras dessous, les chanteurs font leur entrée sur l'introduction au piano solo de la Passeggiata et prennent place sur la scène pour délivrer un quartettino qui respire une complicité heureuse et profondément vécue. Le ton est donné et l’on vérifiera par la suite la complémentarité des timbres et l’entente entre les interprètes, en quatuor avec le Carnevale di Venezia, I Gondolieri, ou encore un Quartetto Pastorale d’une plénitude et d’une subtilité de coloris admirables.
 

Ismaël Margain
Ismaël Margain © Stéphane Delavoye

Solos et duos ne sont pas moins bien lotis au cours d’un programme contrasté et équilibré. Nul ne saurait résister à la Promessa sensible et charmeuse de Mariamielle Lamagat, à une prégnante Arietta all’antica servie par le timbre chaleureux d’Adèle Charvet, au Lazzarone tout de désir et de plaisir d’Edwin Fardini, pas plus qu’à la Pesca, notturno au cours duquel les deux voix féminines s’apparient idéalement. Plaisir sans mélange aussi que le flirt de la soprano et de M. Lagier dans la Serenata, la Regata veneziana que M. Lamagat et A. Charvet enlèvent avec chic, portées par un piano un peu coquin. Il ajoute aussi à l’humour que le ténor et le baryton mettent dans la complainte Un sou. Qui dit duos rossiniens dit Duo des chats –  bien que le morceau soit apocryphe ( l’Anglais Robert Lucas de Pearsall semble en être l'auteur). Il n’a pas été oublié et M. Lamagat et Adèle Charvet, merveilleuses comédiennes, y rivalisent de souriante et « miaouante » drôlerie.

Un mot enfin pour Ismaël Margain dont le jeu attentif, vivant, lumineux, spirituel, d’une acuité rythmique parfaite, sans la moindre sécheresse, contribue grandement au succès du concert. La jeunesse et le soleil qui s’en dégagent auraient plu au professeur Yves Pouliquen, Président de la Fondation Singer Polignac, disparu le 5 février. Il était dédié à sa mémoire.

Alain Cochard

Paris, Auditorium, 6 février 2020

Photo ( de g. à dr. : Mariamielle Lamagat, Adèle Charvet, Ismaël Margain, Mathys Lagier & Edwin Fardini) © concerclassic

Partager par emailImprimer

Derniers articles