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La Traviata à Liège - Annick Massis, une Violetta de grand style - Compte-rendu

Avec La Traviata (1853), Verdi ouvre des horizons nouveaux, transition entre l’écriture belcantiste et un réalisme psychologique de plus en plus affirmé. La production de l’Opéra Royal de Wallonie (montée pour la première fois en 2009) bénéficie de la présence incarnée d’Annick Massis dans le rôle-titre. Son intelligence musicale et sa maîtrise technique lui permettent de s’adapter aux avatars du personnage (tour à tour soprano colorature, dramatique et lyrique) et de lui rendre pleinement justice.
Une telle aisance laisse peu de place à l’abandon, mais met à nu toute la dimension tragique, dévoilant les mystères de l’héroïne avec un art consommé de comédienne. L’Alfredo du ténor Xavier Cortes manque de personnalité et peine à imprimer la dimension passionnée que l’on attend. Neutre de timbre, il ne manque pas de style mais plutôt d’engagement. Le baryton Giovanni Meoni n’a pas la carrure du père noble et, au II, n’exprime pas la force brute de Germont, atténuant le conflit avec Violetta pour devenir son alter ego. Les autres protagonistes sont bien distribués (la Flora haute en couleur d’Alexise Yerna, la sûreté en Docteur Grenvil de Ziyan Atfeh ou encore l’Annina de Julie Bailly, pleine d’empathie pour sa maîtresse).

La mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera insiste sur la critique sociale de l’œuvre à travers la stigmatisation d’une bourgeoisie moralisatrice se délectant de la déchéance à venir. Des camélias géants blancs et rouges, qui font songer fleurs peintes par l’Américaine Georgia O’Keeffe, constituent le fil d’Ariane du décor d’Edoardo Sanchi et font place ensuite à d’immenses trous de serrures dans lesquels se complaisent les spectateurs du drame. Le vaste lit d’amour de l’Acte I se transforme dans la scène finale en un lit d’enfant et de mort perdu dans l’immensité du plateau.

Trop retenue au début de la représentation, la direction du chef italien Luciano Acocella (récemment nommé directeur musical à Rouen), se libère progressivement, réussissant à tirer le meilleur parti possible de l’Orchestre et des Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie, à l’image de ce spectacle cohérent salué par un auditoire nombreux.
Nul doute que les prochains rendez-vous de l’Opéra Royal, un récital de Juan Diego Florez (15 mai) et Manon de Massenet avec June Anderson dans le rôle-titre (du 14 au 26 juin), sont eux aussi promis à un beau succès public.

Michel Le Naour

Verdi : La Traviata - Liège, Palais Opéra, 22 avril 2012.
Prochaines représentations les 24, 26, 28 avril, 1er, 2, 5 et 8 mai 2012.
www.operaliege.be

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Photo : ©croisier
 

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