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La Scala di seta de Rossini par l’Académie de l’Opéra de Paris à l’Athénée – Pour et par le bonheur du jeu – Compte-rendu

 
Rossini n’avait que 20 ans lorsque sa Scala di seta fut créée au Teatro San Moisè de Venise le 9 mai 1812, à l’orée d’une époustouflante carrière – quatre ans plus tard le compositeur en était déjà au Barbiere ! Farsa comica en un acte, l’ouvrage montre un art déjà très affirmé et, si l’argument s’avère assez mince, la joyeuse pagaille de sentiments qui l’anime n’en constitue pas moins un pur régal. Surtout quand un metteur en scène aussi inventif que Pascal Neyron – membre de la compagnie Les Frivolités Parisiennes –  entreprend de le mettre en scène, avec à ses côtés les excellentes Caroline Ginet (scénographie) et Sabine Schlemmer (costumes).
 

Pascal Neyron © Studio-J'adore-ce-que-vous-faites 
 
Côté chanteurs, Pascal Neyron peut compter sur le talent et l’envie des jeunes membres de l’Académie de l’Opéra de Paris qui se prennent au jeu qu’on leur propose avec un bonheur évident. Car tout est jeu, mouvement, énergie corporelle dans ce spectacle débordant d’imagination et admirablement réglé (même le décor, diablement futé, s’y fait acteur par moments !) que la direction preste et souriante d’Elisabeth Askren rend plus efficace encore. Pour tenir dans la petite fosse de la bonbonnière de l’Athénée, Jean-François Verdier a réalisé une adaptation de la partie d’orchestre que les musiciens en résidence à l’Académie de l’Opéra/Orchestre-atelier Ostinato servent avec soin et entrain – ce dès une ouverture assez ... orgasmique.
 

Thomas Ricart (Dormont) au centre, entouré de (de g à dr.) Marine Chagnon (Lucilla), Alejandro Baliñas Vieites (Blansac), Yiorgo Ioannou (Germano), Laurence Kilsby (Dorvil) & Margarita Polonskaya (Giulia) © Studio J'adore-ce-que-vous-faites - OnP
 
Rôle central de la Scala di seta (ici commentée avec sa distribution A), Giulia trouve en Margarita Polonskaya une interprète de premier ordre. Voix riche et d’une totale aisance dans l’écriture rossinienne, la soprano russe mène la danse avec une irrésistible drôlerie. Dorvil, son époux, est incarné par Laurence Kilsby. On pardonne aisément au ténor anglais quelques aigus tendus lors de la première, tant il convainc par ses qualités scéniques, sa fraîcheur et la touche british qu’il imprime à son personnage. Le superbe mezzo de Marine Chagnon nous vaut une Lucilla parfaite et idéalement appariée au Blansac d’Alejandro Baliñas Vieites. Formidable basse – promise à n’en pas douter à de beaux succès dans le répertoire rossinien ... – l’artiste espagnol joue à plein le côté macho tendance rocker que réclame le metteur et crève l’écran par sa présence et sa vis comica. Pascal Neyron ne s’en est pas tenu à une approche univoque du personnage du valet, et offre au baryton chypriote Yiorgo Ioannou prétexte à une incarnation pas si simplette que ça de Germano – qui persiste toutefois à appeler Blansac ... Balzac ! Le ténor Thomas Ricart est impeccable dans le rôle plus modeste de Dormont.

Une heure trente de bonheur sans mélange. Hormis quelques très rares places de 3catégorie, le spectacle affiche déjà complet dès ce dimanche matin sur l’ensemble des dates restantes : puisse-t-il être vite repris sur d’autres scènes ! 
 
Alain Cochard
 

Rossini : La Scala di seta – Paris, Théâtre de l’Athénée, 29 avril (dist. A), prochaines représentation 30 avril(dist. B), 2 (A), 3 (B), 5(A), 6 (B) mai 2023 // athenee-theatre.com/saison/spectacle/la-scala-di-seta.htm
 
Photo : Marine Chagnon (Lucilla) & Alejandro Baliñas Vieites (Blansac)  © Studio J'adore-ce-que-vous-faites - OnP

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