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La Damnation de Faust sous la direction de François-Xavier Roth à l’Opéra royal de Versailles – Historique à plus d’un titre – Compte-rendu

Alors que s’ouvre l’exposition consacrée à Louis-Philippe dans les Galeries historiques du château de Versailles (1), l’Opéra royal du même lieu entend marquer la circonstance par la thématique annoncée d’une série de concerts dédiés à Berlioz (2) dont on commémore en 2019 les 150 ans de la disparition. Juste retour : sachant que l’on doit l’entreprise de restauration de ce palais, déserté après 1789, à Louis-Philippe qui accède au trône en 1830, année de la création de la Symphonie fantastique, et abdique en 1848, deux ans après la création de La Damnation de Faust. C’est aussi en 1848 que Berlioz dirige un concert exceptionnel (comportant entre autres la Marche hongroise de la fraîche Damnation) dans la salle de l’Opéra royal, à une époque où il était fermé à sa vocation première.
 

© Pascal le Mée – Château de Versailles Spectacles

Pour l’occasion des deux premiers concerts de cette série, le somptueux décor en trompe-l’œil représentant la Galerie des Batailles, réalisé par Pierre-Luc-Charles Ciceri en 1837 à la demande de Louis-Philippe et tout récemment restauré, est spécialement remonté sur le plateau de scène. Une fête des yeux ! Qui s’ajoute à une fête de l’ouïe lors de La Damnation de Faust délivrée avec la science de François-Xavier Roth.
 
La « légende dramatique » de Berlioz est ainsi restituée de concert, comme il se doit, sans autre décor que ce magnifique décor de concert. En ce 6 novembre de son 47e anniversaire, Roth inscrit la soirée comme une étape de son « cycle Berlioz », lancé toujours dans le cadre des commémorations de 2019, et une étape de ce même concert déjà donné à Linz et Bonn. La transmission s’avère avec ce chef une fois encore magistrale, devant les instruments d’époque de son judicieux orchestre Les Siècles, dans ce lieu à l’acoustique d’une proximité propice (répondant aux vœux de Berlioz qui n’a cessé de fustiger les salles trop vastes). Les détails ciselés répondent à des tempos respectueux des indications métronomiques de la partition (le déroulé régulier de la Marche hongroise), dans un souffle général gagnant en intensité au fil de la soirée. Comme l’œuvre le réclame.

© Mathias Vidal
 
Succédant à Bryan Register lors des deux précédents concerts, le Faust de Mathias Vidal serait à cette image. Après de premiers instants sur la réserve, la voix du ténor s’épanouit pour s’exhaler en moments de large lyrisme dans les pages finales (duo et dernier air), qui n’empêchent pas un délicat jeu de registre aigu en voix évanescente de tête (que Berlioz préconisait) ; comme sur ces passages de circonstance : « Que j’aime ce silence », diaphane au début de la troisième partie, et « Marguerite est à moi », élégiaque dans sa réponse du duo. Une prise de rôle et une prise de juste mesure, dans un style et une technique des plus appropriés !
 
Nicolas Courjal reste toujours ce Méphistophélès imposant, somptueux, faisant un sort expressif à chaque syllabe. Alors que Anna Caterina Antonacci campe cette Marguerite royale à laquelle elle nous a habitué. Thibault de Damas d’Anlezy livre pour sa part un épisodique Brander bien tenu. Le Chœur Marguerite Louise intervient à propos, bien que d’un impact par trop léger, mais sans préjudice de l’envol d’ensemble.
 
Pierre-René Serna

(1) Jusqu’au 3 février, dans les Galeries historiques du château.
 
(2) Concert du 21 octobre 2018 de John Eliot Gardiner, en partie repris de celui donné à La Côte-Saint-André le 31 août, la Fantastique en place de Harold en Italie  – voir : www.concertclassic.com/article/harold-en-italie-et-autres-pages-de-berlioz-sous-la-direction-de-sir-john-eliot-gardiner-au ;
ce concert de La Damnation de Faust ;
concert du 29 juin 2019 par Hervé Niquet, repris du concert donné à La Côte-Saint-André le 28 août – voir : http://www.concertclassic.com/article/messes-de-martini-et-de-berlioz-sous-la-direction-dherve-niquet-au-festival-berlioz-riche.

Berlioz : La Damnation de Faust – Opéra royal de Versailles, 6 novembre 2018

© Pascal le Mée Château de Versailles Spectacles

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