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La Dame de Pique à l’Opéra national du Rhin - Urgence dramatique – Compte-rendu

Coproduite par l’Opéra national du Rhin et l’Opéra de Zurich, cette Dame de Pique de Tchaïkovski mise en scène par Robert Carsen referme la saison de l’Orchestre national du Rhin par un spectacle remarquable d’intensité théâtrale et d’entente entre la fosse et le plateau
 
Les légères coupures effectuées dans la partition renforcent la sensation d’urgence que recèle la nouvelle de Pouchkine. Dans les décors de Michael Levine où le vert foncé prédomine de manière quasi obsessionnelle - rappel de la couleur des tables de jeu et des dollars - se profile une vision de caractère cinématographique (clin d’œil à L’Année dernière à Marienbad ou encore au moment de la mort de la Comtesse, au Vertigo d’Hitchcock) renforcée par des lumières brumeuses et tamisées au fantastique inquiétant.  
 
La direction expressive et juste de Marko Letonja, d’un élan constant, entraîne l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et les Chœurs de l’Opéra national du Rhin (préparés par Sandrine Abello) sur des sommets d’expressivité tout en gardant quand il le faut la transparence mozartienne (La Pastorale). Tatiana Monogarova incarne une Lisa à la blondeur slave qui charme instantanément et dont la crédibilité et l’irrésistible jeunesse constituent un atout au même titre que son chant, engagé et d’une puissance contrôlée. A ses côtés Eve-Maud Hubeaux, toute émotion rentrée, se montre exquise dans le rôle de Pauline. La Comtesse de Malgorzata Walewska, d’une noirceur terrifiante à l’érotisme savamment distillé sait aussi utiliser avec beaucoup de savoir-faire et d’expérience des moyens vocaux d’une remarquable stabilité.
Misha Didyk offre du personnage d’Hermann une vision moins hallucinée que d’ordinaire, mais devient le spectateur d’un drame qu’il provoquera en agressant la Comtesse pour obtenir le secret de la combinaison des trois cartes. Chez lui, la sombre réalité se confond avec le rêve et la fiction. Prince Eletski de grande classe, Tassis Christoyannis joint à une voix bien timbrée une ligne de chant particulièrement contrôlée. En comparaison, le Comte Tomski de Roman Ialcic, légèrement en retrait, ne possède pas la même suavité de ton. Rôles secondaires bien tenus (Macha de Gaëlle Alix et Gouvernante de Violeta Poleksic, très applaudie). Grand succès pour cette réalisation aboutie, sans aucun doute l’une des meilleures de cette saison strasbourgeoise. Une grande soirée que l’on ne voit pas passer. Il reste encore deux dates à Mulhouse.
 
Michel Le Naour
 
 
Tchaïkovski : La Dame de pique – Strasbourg, Opéra, 23 juin 2015, prochaines représentations à Mulhouse (La Filature) les 5 et 7 juillet 2015 / www.operanationaldurhin.eu
 
Photo © Clara Beck

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