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La Chronique de Jacques Doucelin - Du rififi chez Mozart… et ailleurs

Pauvre Mozart ! C’est bien la peine d’avoir tiré le diable par la queue toute sa chienne de brève existence et de finir à la fosse commune pour voir son festival éclaboussé par un scandale financier des plus vulgaires. Comme si ça ne suffisait pas que les confiseurs de sa ville natale se remplissent les poches avec des crottes en chocolat à l’effigie de Wolfgang !

Cette fois-ci, il s’agit du Festival de Pâques créé en 1967 à Salzbourg par Herbert von Karajan, autre enfant du pays doué pour la musique, mais aussi pour les affaires, après une de ses nombreuses fâcheries avec le Philharmonique de Vienne : pour mieux faire la nique au Festival d’été, fief des Viennois, le maestro décida d’organiser avec ses musiciens berlinois quinze jours de fête musicale en avril avec deux représentations d’opéra (cette année Le Crépuscule des dieux de Wagner venu du Festival d’Aix en Provence) et plusieurs concerts.

Cela devint le must des festivals internationaux pour la jet set qui peut mettre plus de mille euros par place... L’institution est solide : elle a survécu à la mort de Karajan en juillet 1989 et passa aux mains de ses successeurs à la tête de la Philharmonie de Berlin : Solti, Abbado et Rattle. Mais ce sont les responsables administratifs et techniques qui sont depuis peu dans le collimateur des contrôleurs financiers autrichiens qui ont mis au jour une entente illicite entre un quarteron de pieds nickelés qui se partageaient divers détournements.

Le directeur administratif du Festival de Pâques depuis douze ans, Michael Dewitte a même été remplacé dans les 24 heures, ses dépassements de salaire atteignant quelque 591.000 euros dans les sept dernières années sans compter des commissions non moins illégales de mécènes américain (500.000 euros) et russe (300.000 euros). Comme le dit si joliment, et en français s’il vous plaît, dans le livret des Noces de Figaro, Marcelline, la mère de Figaro : « L’argent fait tout ! » Comme quoi, notre Révolution n’a vraiment rien changé. Inutile de vous dire que la grande presse autrichienne et allemande fait ses choux gras de l’affaire. Mozart, lui, doit quand même bien rigoler là où il est !

Quant à nous autres Français, nous pourrions plutôt rire jaune, comme on dit. Car le monde des arts en général et singulièrement celui de la musique dite classique a attiré depuis une quinzaine d’années quelques margoulins et suscité des vocations étranges… Le plus étrange dans cette affaire, c’est encore que ces personnes, une fois leur forfait accompli dans une ville ou une région, passent, comme si de rien n’était, à une autre sans que cela semble poser de questions à personne. Le fait avéré que nos élus locaux comme nos divers fonctionnaires, nationaux ou territoriaux, soient ignares en musique dite savante n’est pas un crime que je sache, et ne saurait surtout pas leur être reproché, car il ne s’agit, tous comptes faits, que de la conséquence logique de l’un des défauts majeurs de notre enseignement général.

Bref, tous ces braves gens se trouvent nécessairement dépendants de « spécialistes » de peinture, de théâtre ou de musique dans les décisions que leurs collectivités territoriales sont amenées à prendre en ces domaines, qu’il s’agisse de conservatoires ou d’écoles de musique pour l’enseignement spécialisé, d’orchestres ou de théâtres lyriques pour la diffusion de cet art. Rien que de parfaitement normal à tout cela. Comment choisir entre ces projets alléchants ? Telle est la question. Or, comme chacun sait, le diable ne dort que d’un œil, et certains petits malins prompts à accélérer leur jeune carrière ont vite repéré les faiblesses de l’élu moyen, toutes obédiences politiques confondues : « que faire pour être assuré d’être réélu ? »

Alors, on lui fait miroiter de « l’événementiel » qui passe pour le moyen le plus sûr d’attirer l’électeur : faire du nombre à tout prix pour justifier précisément la dépense, la rentabiliser en terme électoral. Ainsi a-t-on vu fleurir ces dernières années une flopée de « théâtres de rues » dont les défilés mettent le bon peuple hors de sa maison pour qu’il constate de visu ce qu’on fait de l’argent de ses impôts. Après tout, pourquoi pas ? Encore que ça ne marche pas à tous les coups comme on a pu le constater à plusieurs reprises, et notamment à Besançon dont la municipalité a été contrainte pour la troisième fois d’interrompre son festival de rue pour cause de déficit.

Mais il y a pire que les erreurs de gestion à répétition, ce sont ces gens moins délicats qui viennent carrément vanter leur marchandise à des édiles médusés en s’autoproclamant « spécialistes » de musique ou d’autre chose. Ces dangereux bonimenteurs offrent leur produit clé en main proposant même de s’occuper de tout, y compris de ce qui devrait ne relever que du seul directeur musical de l’orchestre ou de l’opéra ! Ils débarquent avec leurs petites et grosses « combines » déguisées en « carnets d’adresses » et une cohorte de « copains » financièrement voraces promettant aux élus de les rendre célèbres et d’assurer la promotion de leur ville ou de leur région en y attirant, bien sûr à prix d’or, des vedettes internationales au détriment le plus souvent des institutions préexistant localement.

On ne saurait trop crier casse-cou aux élus locaux qui vont en outre se trouver rapidement confronter à une diminution de leurs recettes. Il y a donc une vraie « chasse au gaspi » à mener dans nos collectivités locales, les plus glorieuses comprises… pour ne pas parler de l’Etat.

Jacques Doucelin

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Photo : DR
 

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