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​La Bohème à l’Opéra Bastille – Mimi a marché sur la lune – Compte-rendu

 

Fortement décriée à sa création en 2017, La Bohème iconoclaste et futuriste de Claus Guth ne suscite aujourd’hui que de timides réactions négatives de la part d’un public résolument passé du côté du consensus. Nous ne reviendrons pas en détail sur la lecture de ce metteur en scène bien connu qui, à trop vouloir renouveler le livret de Giacosa & Illica d’après Henry Mürger, ne parvient à provoquer ni l’intérêt, ni l’émotion d’un spectateur balloté entre une pseudo esthétique à la 2001 : L’Odyssée de l’espace et un retour vers le passé tout aussi anachronique et frelaté.
En résulte un voyage spatio-temporel totalement artificiel où se télescopent sans jamais se fondre, deux récits antagoniques aux trajectoires irréconciliables. Difficile en effet de faire cohabiter l’alunissage d’une fusée dont l’équipage n’a plus ni vivre, ni contact avec la Terre et attend donc la mort, avec l’histoire d’amour vécue par un écrivain sans le sou et une cousette atteinte de tuberculose, dans le Paris du milieu du XIXème siècle. Inutile de gloser sur ce spectacle impossible à cautionner, en attendant fébrilement de prochaines élucubrations : Mimi chez les nudistes, Mimi véliplanchiste, Mimi chez les Hittites, Mimi trapéziste …
 

© Guergana Damianova - OnP

Si le plateau avait bénéficié de quelques grands noms de la scène lyrique (Yoncheva, Bernheim, Car méritaient au moins le détour à la première) notre oreille aurait sans doute trouvé quelques motifs de satisfaction, mais la Mimi d’Ailyn Pérez n’a pas l’ombre d’une expression et se réfugie derrière des piani désincarnés, tandis que Joshua Guerrero, malgré son implication, mériterait d’incarne Rodolfo sur un scène plus réduite et dans une mise en scène plus traditionnelle. Autour de ce couple chimérique, l’Alcindoro de Franck Leguérinel et la Musetta de Slávka Zámečníková se détachent à peine d’un cast où aucun élément ne se distingue nettement (Andrzej Filonczyk en Marcello, Simone del Salvio Schaunard et Colline Gianluca Buratto). De plus la direction languissante et maniérée de Michele Mariotti, totalement déconnectée par rapport au concept scénique, ne fait qu’accentuer l’absence de cohésion entre une fosse qui semble jouer de son côté et une scène sur laquelle évoluent des chanteurs livrés à eux-mêmes, dépassés par les événements. Navrant !

François Lesueur
 

Puccini : La Bohème – Paris, Opéra Bastille, 5 mai 2023 ; prochaines représentations les 11, 14, 17, 20, 23, 26 & 30 mai, 1er & 4 juin 2023 // www.operadeparis.fr/saison-22-23/opera/la-boheme

 
Photo © Guergana Damianova

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