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Kotaro Fukuma en récital à Bruxelles (Flagey) – Road to Bach

Partagée entre le Vieux Continent (le pianiste est installé à Berlin depuis plusieurs années) et le Japon, l’activité de Kotaro Fukuma (photo) a été perturbée par la survenance de la crise sanitaire l’an passé. Tandis qu’un programme de transcriptions de Bach paraît chez Naxos (1), l’artiste est désormais de retour sur les scènes européennes. Après des concerts en duo avec Edgar Moreau l’été dernier – leur première collaboration –, on a pu l’entendre en Allemagne au début du mois et il sera à Bruxelles (Flagey) le 31 octobre, avant de gagner l’Autriche pour un récital au Wiener Konzerthaus le 3 novembre.
 
Rare Piano Music
 

Berlin, 14 mars 2020 : confronté à l’annonce de l’annulation de tous les concerts en Allemagne, Kotaro Fukuma n’attend qu’une petite semaine avant de rentrer au Japon. Excellente décision car, là-bas, l’année sera finalement bien occupée. Comme beaucoup de musiciens, le pianiste s’intéresse vite au streaming : dès le 3 mai, de chez lui –  avec les moyens du bord – il donne son premier récital en ligne sur sa page Facebook ; un programme Beethoven (en écho à l’album paru un peu plus tôt chez Naxos). Et il se prend au jeu ! La semaine suivante, il renouvelle l’expérience depuis le studio de travail d’un ami, lieu plus adéquat, et, sachant les difficultés auxquelles sont confrontés les orchestres du pays, accompagne le streaming d’une proposition de dons au profit de l’Association of Japanese Symphony Orchestras. Les internautes jouent le jeu et font montre d’une belle générosité. Conforté par cet accueil plus que positif, Fukuma décide de venir en aide à des collègues et, en s’entourant des compétences techniques requises, prend l’initiative de créer une chaîne de streaming faisant une large place à des ouvrages pour piano méconnus ou contemporains.
 

© Jean-Baptiste Millot
 
Et le pianiste de se muer en entrepreneur de concerts : « J’ai travaillé comme un fou, se souvient-il, j’ai pris contact avec de nombreuses personnes pour parvenir à boucler en deux semaines la saison 2020-2021. » Bechstein Japon apporte son soutien à l’initiative ; le 26 juillet, Fukuma donne le coup d’envoi officiel de la chaîne Rare Piano Music (2) dans un programme très représentatif de son objectif découvreur, qui rassemble (autour du thème de l’eau) des compositions de Levitzki, Sciarinno, Sukegawa, Griffes, Kaski, mais aussi trois ouvrages dont le pianiste est dédicataire (des pièces signées T. Huillet, F. Milita, P. Klatzow).(3) Place ensuite à ses collègues : de juillet 2020 à juillet 2021, au rythme d’un concert mensuel, la première saison de Rare Piano Music voit se succéder une douzaine d’interprètes, parmi lesquels Takuya Otaki (Premier Prix du Concours d’Orléans 2016), Kazuya Saito, Kaoru Jitsukawa, Etsuko Hirose, Hideki Nagano ou Kenji Miura.
Une quinzaine de jours en amont de chaque concert, Kotaro Fukama se fait intervieweur de son invité et l’amène à s’expliquer sur ses choix musicaux afin de stimuler la curiosité des internautes. Le succès est au rendez-vous, tant et si bien qu’une saison 2021-2022 a été programmée, moins étoffée que la première mais forte tout de même d’une demi-douzaine de récitals, confiés à Atsushi Yamanaka et Yusuke Takahashi (15/11), Takashi Yasumi (19/12), Kei Takumi (17/01), Ryutaro Suzuki (18/03), Kikugo Ogura (19/05) et, enfin, un grand aîné : Izumi Tateno (né en 1936) (20/06). Quant aux programmes, les noms de Chaminade, Dohnányi, Ibert, Marmontel, Voříšek, Nordgren, parmi bien d’autres, promettent de belles découvertes aux curieux.
 
 
Un disque de transcriptions de Bach

L’année 2020 n’a donc aucunement rimé avec inactivité pour Kotaro Fukuma, occupé par Rare Piano Music, mais présent aussi dans les salles de concerts japonaises restées ouvertes (avec des jauges variables selon les lieux et organisateurs), où il a répondu aux engagements prévus autour de son disque Beethoven, mais aussi effectué pas mal de remplacements d’interprètes étrangers dans l’impossibilité de voyager.
 

Il en aura aussi profité pour reprendre le chemin du studio afin d’enregistrer le disque de transcriptions de Bach sorti il y a peu chez Naxos. A quelques détails près, Fukuma avait donné ce programme en public à Malte en janvier 2020 au Valetta Baroque Festival, sans intention de l’enregistrer immédiatement. La situation engendrée par la pandémie en a décidé autrement : encouragé par ses nombreux followers qui lui faisaient part de leur envie de l’entendre dans la musique du Cantor, il a confié aux micros en octobre 2020 une anthologie où l’on trouve les trois plus célèbres préludes de choral transcrits par Busoni (BWV 639, 645, 659), à côté d’arrangements signés Petri, Hess, Saint-Saëns Liszt, Kempff, d’Albert, Feinberg, mais aussi Fukuma (un très bel Erbarme dich). Quant à la Chaconne de la Partita BWV 1004, elle n’a pas été oubliée, mais à la version Busoni, l’interprète a préféré celle pour la main gauche seule de Brahms. Excellente option, qui contribue à l’équilibre d’un enregistrement dont la poésie, la plénitude, dans la douceur comme la puissance et la majesté, forcent de bout en bout l’admiration.
 

Avec Edgar Moreau aux Musicales de Redon le 13 juillet 2020 © Francis Payol
 
Road to Bach de Farhad Poupel
 
Kotaro Fukuma est de retour sur nos scènes. Cet été déjà d’aucuns ont eu le bonheur d’assister, à Redon puis Villefranche-sur-mer, à ses deux premiers concerts avec le violoncelliste Edgar Moreau, dans les Sonates de Chopin et Rachmaninov et Orion de Takemitsu. « J’ai été très heureux de travailler à avec lui, confie le pianiste. Edgar a une vision musicale très claire, il est toujours à l’écoute, avec flexibilité et sens du dialogue. » Rien de programmé, mais on espère que le futur offrira aux deux instrumentistes l’occasion de reformer leur duo.
 

Fardah Poupel © fardhadpoupel.com

Pour l’heure, c’est en récital que Kotaro Fukuma retrouve la scène européenne. Il fait étape ce 31 octobre à Bruxelles, dans le cadre simplement parfait pour le piano de Flagey, pour un programme associant des transcriptions de Bach (Petri, Brahms, Fukuma) à des pages de Mendelssohn. Entre ces deux volets, il fera découvrir à son auditoire une pièce du jeune compositeur iranien Farhad Poupel. « Il avait pris contact avec moi en 2019 via internet, confie Kotaro Fukuma, en me soumettant son Opus 1 : Fantasia on one note. J’avais été séduit par cette partition et l’idée m’est venue courant 2020 de lui commander une pièce associée à Bach ; elle s’intitule Road to Bach. »
L’ouvrage a été créé le 19 juin dernier par Fukuma au Suntory Hall de Tokyo. A Bruxelles, il prendra place au cœur d’un récital qui se refermera sur la très belle transcription que l’artiste japonais a signée de la Moldau de Smetana. Récital pour une bonne cause enfin puisque sa recette sera reversée à l’association Pinocchio qui œuvre au profit des enfants grands brûlés.
 
Alain Cochard
(Entretien avec Kotaro Fukuma réalisé à Paris le 8 septembre 2021)

Œuvres de Bach, Mendelssohn, Poupel, Smetana/Fukuma
31 octobre 2021 – 15h
Bruxelles – Flagey
www.flagey.be/en/activity/7990-piano-recital-kotaro-fukuma-charity-concert-for-the-benefit-of-the-non-profit-association-pinocchio
 
(1) 1 CD NAXOS NYCC – 27313
 
(2) Rare Piano Music : joyfularts.co.jp/rarepianomusic/
Les récitals 2020-2021 sont disponibles en replay sur :  www.youtube.com/playlist?list=PLGt4wCNpWNlMIslLaoLxi2USBxGPEmE61
 
(3)Récital K. Fukuma (26/07/20) : www.youtube.com/watch?v=85v4vpMubjs&list=PLGt4wCNpWNlMIslLaoLxi2USBxGPEmE61&index=27
 
Site de Kotaro Fukuma : kotarofukuma.com/fr
 
Site de Farhad Poupel : farhadpoupel.com
 
Photo © T. Shimmura

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