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Kirill Petrenko et l'Orchestre philharmonique de Berlin aux Prem’s de la Philharmonie – Vers l’avenir – Compte-rendu

Dès les premières notes, dès cette introduction erratique partagée entre les violoncelles, les cors, la harpe et les altos, il paraît évident que le souvenir des Walter, Bernstein, Haitink et Abbado restera en coulisses. Cette phrase des seconds violons (le premier thème) qui réunit tous les adieux du (au) monde reste en effet d'une étonnante neutralité. Claire, finement articulée, inscrite dans une polyphonie d'une rare limpidité, oui. Bouleversante, non. Pas de regret du passé mais un regard tourné vers l'avenir. Kirill Petrenko (photo) donne également l'impression de vouloir mener l'Orchestre philharmonique de Berlin et le public de la Philharmonie au terme de ce labyrinthique premier mouvement de la Symphonie n° 9 de Mahler, sans les égarer ni les décourager. La texture reste ainsi d'une incroyable transparence et la ligne directrice toujours soigneusement tracée malgré les ruptures et les contrastes qui émaillent cet Andante comodo. Si le cœur ne trouve pas encore son content d'émotions, le cerveau, en revanche, admire la puissance jamais crispée de l'orchestre, la plénitude d'un jeu collectif et la solidité inexpugnable des interventions solistes (flûte, cor, trompette), confirmée dans les mouvements suivants (hautbois, basson, alto, violoncelle).

© AdePlace - Philharmonie
Loin de Vienne
Après avoir cherché leurs marques dans ce premier temps, Kirill Petrenko et ses musiciens s'installent plus confortablement dans la symphonie. Leur interprétation reste tout aussi objective, voire sévère, en rien viennoise, plus Otto Dix ou George Grosz que Egon Schiele, dans un ländler plus sarcastique que rustique. Tenu d'une poigne de fer, ce deuxième mouvement n'en paraît que plus inquiétant, notamment dans son épisode central, au bord du gouffre. Gouffre dans lequel Petrenko ne craint pas de précipiter musiciens et spectateurs lors du Rondo-Burleske, pris à un tempo d'enfer. Il faut assurément un orchestre comme celui de Berlin pour supporter une telle allure sans déraper. Mais, bien au-delà de la seule performance technique, ce mouvement saisit par sa causticité et sa rugosité. Il creuse ainsi un singulier relief avec l'Adagio final, serein et apaisé après tout ce tumulte, prêt à un long voyage pour un ailleurs azuré. À nouveau, l'Orchestre philharmonique de Berlin stupéfie par sa perfection, la subtilité de ses nuances comme l'intensité de ses couleurs et de ses silences.
Philippe Venturini

Philharmonie de Paris, le 5 septembre 2025
Photo © AdePlace - Philharmonie
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