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Karine Deshayes à L’Instant Lyrique – La Reine de Paname ! – Compte-rendu

Dédié à la mémoire du grand Dalton Baldwin, mentor d’Antoine Palloc, l'accompagnateur attitré des Instants Lyriques, ce 50ème récital de L’Instant Lyrique était confié à Karine Deshayes (photo), marraine adorée d’une série installée dans le cadre inattendu d’Elephant Paname depuis 2014 et désormais très courue. Audacieuse comme toujours, la mezzo (tendance soprano) française a gâté son public en lui proposant un large aperçu de ses possibilités musicales et artistiques.

L'élégance de son phrasé ondoyant, la clarté d'eau vive de son émission et sa lumineuse diction suscitent l'admiration dans les trois mélodies de Duparc qui débutent la soirée : rien d'apprêté chez la cantatrice qui sait pénétrer la profondeur de la poésie baudelairienne et en faire sourdre la magie, grâce à une lecture pleine de grâce (« L'invitation au voyage »), ou de dévotion (« Phidylé » sur le très beau texte de Leconte de Lisle).
La parenthèse verdienne, constituée par trois mélodies « In solitaria stanza », « Ad una stella » et un bien sage « Brindisi » avait peu d'intérêt, les plus grandes, Scotto en tête, s'y étant montrées, comme notre interprète du jour, un peu atones et comme découragées par le manque d'imagination du pourtant magistral compositeur d’opéra  italien.
 

© Aymeric Giraudel

Le minimalisme qui caractérise la célèbre évocation de Mignon (« Connais-tu le pays ») inspire notre mezzo sans pour autant réussir, comme autrefois une Horne, à rendre totalement bouleversant cet air dont l'effet demeure avant tout technique ; Gounod s'étant délecté à faire durer le plaisir en demandant des réserves de souffle inépuisables, un peu justes ici. Sautant d'une tessiture à l'autre comme si de rien n'était, Karine Deshayes (à l'image d’un récent enregistrement publié chez Klarthe (1) ), sait capter l'auditoire en livrant une puissante scène finale de Sapho, parcourue par d'émouvantes vibrations, avant de se transformer en une coquette Marguerite riant à vocalises déployées de se voir « Si belle en ce miroir », air spécialement proposé pour ce numéro anniversaire.

Romeo succède à Mignon et Karine Deshayes opère un nouveau tour de passe-passe vocal pour parer l'air d'entrée du héros bellinien, « Se Romeo t'uccise un figlio » suivi de sa cabalette «La tremenda ultrice spada », de toute la fougue et la brillance nécessaires. En conclusion la cantatrice poursuit son incursion dans le répertoire belcantiste avec une magnifique exécution du périlleux air d'Elisabetta « Ah quando all'ara scorgermi » situé au premier acte de la Maria Stuarda de Donizetti.

Trois bis soigneusement choisis permettent de prolonger un récital accompagné avec tact par Antoine Palloc : de délicieuses « Filles de Cadix » de Delibes, un magnétique « A Chloris » de Hahn, puis un ébouriffant « Nobles Seigneurs » tiré de ces Huguenots brillamment abordés sur la scène de l'Opéra Bastille en septembre 2018.(2) Une chose est sûre, Karine Deshayes a promis qu'elle serait là pour le 100ème Instant Lyrique -  et nous nous en réjouissons.

Prochain rendez-vous de l’Instant Lyrique, le 3 mars, avec Marie-Nicole Lemieux, accompagnée par son fidèle Daniel Blumenthal

François Lesueur

(1) « Une amoureuse flamme », airs d’opéras français (Massenet, Saint-Saëns, Berlioz, Halévy, Bizet, Gounod)  – Orchestre Victor Hugo, dir. Jean-François Verdier  (1CD Klarthe)

(1)www.concertclassic.com/article/les-huguenots-lopera-bastille-chacun-pour-soi-et-dieu-pour-tous-compte-rendu

Paris, Elephant Paname, 27 janvier 2020 // www.elephantpaname.com/fr/centre-d-art/spectacle-concert/163-l-instant-lyrique

Photo © karinedeshayes

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