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​Julien Masmondet dirige Saint-Saëns à l’Orchestre de Paris (Streaming) – Plaisir rare

On finirait par trouver des avantages à la situation présente ... Espérons en tout cas que perdurera l’attitude de l’Orchestre de Paris qui, délaissant quelque peu sa politique d’invitation de stars de la direction, met en valeur en ce moment des artistes plus jeunes et moins médiatisés, dans le cadre de la série « Nouvelle Vague ». On croit rêver : Julien Masmondet (photo) n’avait jamais été réinvité par la phalange parisienne depuis qu’il a quitté en 2014 le poste d’assistant de Paavo Järvi ... Un concert retransmis en streaming vient d’offrir l’occasion de retrouvailles particulièrement réussies, et séduisantes ô combien pour l’amoureux de musique française dans la mesure où le programme comprenait uniquement des œuvres de Camille Saint-Saëns (presque une incongruité dans les habitudes des orchestres français ...), musicien dont l’art convient idéalement à la direction souple, lisible mais jamais sèche, et toujours attentive à la couleur du jeune chef français.
 

Marie-Ange Nguci © Mathias Benguigui Pasco
 
Ces qualités s’imposent d’emblée dans l’ouverture de l’opéra-comique La Princesse jaune, page charmeuse et évocatrice à souhait, gorgée d’un exotisme propre à la fin du XIXe siècle. Le temps de mettre le piano en place et c’est au tour du Concerto n° 2 – œuvre précoce, 1868, fruit de l’amitié entre son auteur et Anton Rubinstein – de résonner sous les doigts de Marie-Ange Nguci. Une fois de plus, ce petit bout de femme surprend par l’autorité de son propos. D’une sonorité pleine et riche –  et bien aidée par le souffle de la battue de Masmondet –, elle sait dégager beaucoup d’arrière-plans dans une partition que d’aucuns réduisent parfois à une dimension trop digitale. Eva Zavaro tient ensuite la partie de violon solo de la Danse macabre et l’assume d’un archet racé, tandis que le chef soigne le relief et les climats évocateurs du plus fameux poème symphonique du maître français.
 

Victor Julien-Laferrière © Mathias Benguigui Pasco

Le Concerto pour violoncelle n° 1 de Saint-Saëns est particulièrement cher, lui aussi, au public comme aux interprètes. Avec un art d’une rare élégance, parfaitement apparié à celui d’une baguette pleine de style, Victor Julien-Laferrière traduit le subtil mélange de plénitude lyrique et d’impatience qui fait le sel de l’Opus 33. Les moyens techniques, supérieurs, se placent tout entiers au service de la musique : aucun effet, mais un engagement de chaque instant, l’élan de la phrase ne venant jamais altérer la clarté du dessin ni la qualité de l’intonation. Du grand art.
 

Eva Zavaro © Mathias Benguigui Pasco 

   
Un moment de bonheur sans mélange, à l’instar de l’ensemble d’un concert que referme le duo pour violon et violoncelle La Muse et le Poète (qui aura patienté cent onze ans tout de même avant d’entrer au répertoire de l’Orchestre de Paris ...), confié à E. Zavaro et V. Julien-Laferrière. C’est enfoncer une porte ouverte que de remarquer que l’ouvrage ne se situe pas au même niveau d’inspiration que 1er Concerto op. 33. Mais que de charme pourtant dans cette réalisation tardive (initialement destinée à E. Ysaÿe et J. Hollmann) quand elle est défendue par des interprètes de ce niveau, qui de surcroît ont le sexe, l’âge et le physique de leurs rôles respectifs, si l’on peut dire. Le chef fouille les timbres de la partition (le plaisir est palpable du côté de l’harmonie ...) et tisse le plus bel écrin à l’amoureux dialogue de ses deux solistes.
Puisse Julien Masmondet revenir vite à la tête de l’Orchestre de Paris, visiblement très heureux d’avoir renoué avec cet authentique artiste.
 
Quant au prochain rendez-vous de la série « Nouvelle Vague », il a lieu le 10 mars sous la direction de Corinna Niemeyer (avec pour solistes l’organiste Loriane Llorca et le claveciniste Jean Rondeau) et consiste en un « 100% Poulenc ». L’Orchestre de Paris prend décidément de très bonnes habitudes !
 
Alain Cochard
Paris, Philharmonie (Grande Salle Pierre Boulez), 3 mars 2021/Disponible en replay sur live.philharmoniedeparis.fr/concert/1121933/orchestre-de-paris-julien-masmondet-marie-ange-nguci-victor.html?_ga=2.218778009.1669345039.1615209565-84810038.1615209565
Prochain rendez-vous de la série « Nouvelle Vague » le 10 mars avec Corinna Niemeyer : live.philharmoniedeparis.fr/concert/1121944/orchestre-de-paris-corinna-niemeyer-100-poulenc-loriane-llorca.html

Photo © Mathias Benguigui Pasco

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