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Julien Chauvin et Le Concert de la Loge interprètent Mozart au Festival de La Chaise-Dieu 2025 (et en d’autres lieux bientôt ...) – Porte bonheur – Compte-rendu

Décidément, Mozart porte bonheur au Concert de la Loge. La saison passée – qui célébrait les 10 ans de la naissance de la formation de Julien Chauvin – a été marquée par un formidable Don Giovanni ; une production de l’ARCAL, mise en scène par Jean-Yves Ruf et servie par une équipe d’excelllents jeunes chanteurs. Il avait fallu se contenter de cinq représentations à l’Athénée (coproducteur avec l’Opéra de Massy et Le Concert de la Loge) en novembre 2025, mais le spectacle – couronné par le Grand Prix du Syndicat de la Critique entre temps – est heureusement de retour pour une longue tournée. Il fera étape à Maisons-Alfort (11 oct.), Paris (Athénée, 15, 16, 18, 19 et 21 oct.) ; Colombes (21 nov.) ; Compiègne (29 nov.) ; Massy (13, 14, 15 déc.) ; Tourcoing (16, 17, 18 janv.) ; Foix (10 avr.) ; Perpignan (12 avr.) et Clermont-Ferrand (25 avr.). Si l’un de ces lieux est à votre portée – le niveau de la production justifie un bout de route si nécessaire – précipitez-vous car, à coup sûr, les places seront chèrement disputées.

Julien Chauvin & Anne Camillo © Bertrand Pichène
Esprit, énergie et sens théâtral
La musique sacrée de Mozart réussit tout autant à Julien Chauvin et ses troupes. On en a eu la preuve lors d’une soirée du 59e Festival de La Chaise-Dieu (la première apparition du Concert de la Loge à l’abbatiale Saint-Robert) dont le plat de résistance était la Grande Messe en ut mineur de Mozart, placée après une première partie symphonique.(1) Comme il le fait souvent – c’est le cas d’ailleurs dans Don Giovanni où l’orchestre est présent sur scène – Julien Chauvin commence le concert en dirigeant du violon. Ouverture des Noces de Figaro : devant tant d’élan et de prestesse, on se prend à rêver qu’une production du premier des Da Ponte fasse suite à celle de Don Giovanni ... C’est proprement irrésistible d’esprit et de sens théâtral !
Suit la fameuse « Jupiter », ultime symphonie du compositeur, dont on découvre une interprétation radieuse, toute de naturel et de vigueur. Le frémissement intérieur de l’Andante cantabile montre combien Chauvin et ses instrumentistes ressentent la partition en profondeur et, d’un bout à l’autre, la qualité d’écoute qui s’établit entre les différents pupitres, l’énergie sans brusquerie qui anime leurs échanges montrent la cohésion musicale et humaine à laquelle la formation est parvenue au bout d’une décennie.

Mélissa Petit © Vincent Jolfre
Fervente et sans monumentalité
La suite du programme n’enthousiasme par moins avec la Messe KV 427, pour laquelle les instrumentistes sont rejoints par le chœur La Sportelle et un quatuor luxueux réunissant les voix de Mélissa Petit, Eva Zaïcik, Antonin Rondepierre et Nahuel Di Pierro. Comme il le précise dans l’entretien qui accompagne le programme, Julien Chauvin a choisi « la dernière version éditée, avec un double chœur dans plusieurs morceaux ». La partition est on le sait étroitement liée à la relation du compositeur avec Constance et cette dimension privée, intime, ressort très bien d’une conception fervente, intérieure et dénuée de toute monumentalité (l’option du double chœur, par le relief et l’aération qu’elle apporte y contribue d’ailleurs beaucoup). Julien Chauvin – qui est passé du violon à la baguette – dispose, grâce aux qualités individuelles de ses instrumentistes, d’une palette de timbres assez extraordinaire (impossible de les nommer tous, mais saluons tout de même la flûte d’Anne Parisot, le hautbois d’Emma Black, le basson de Javier Zafra, sans oublier le violon d’Anne Camillo) pour offrir le plus bel écrin à ses chanteurs.

(de g. à dr. ) Mélissa Petit, Eva Zaïcik, Antonin Rondepierre, Nahuel Di Pierro © Vincent Jolfre
Respirer la phrase jusqu’à son terme
Si, de la mezzo à la basse, il n’est guère besoin de faire les présentations, la soprano Mélissa Petit (très active sur les scènes germaniques) est une découverte pour certains, d’une musicalité et d’une pureté idéales dans ce Mozart. Port de reine, projection, richesse du matériau vocal : Eva Zaïcik mérite tous les éloges aussi dans une partition qui gâte particulièrement les dames. Et si leurs parties sont plus modestes, Antonin Rondepierre et Nahuel Di Pierro ne déméritent aucunement. Julien Chauvin, dont on admire l’aptitude à respirer la phrase jusqu’à son terme, peut en outre compter sur les qualités de La Sportelle dont la réputation va grandissant, et pour les meilleures raisons, parmi les chœurs français.
Heureux ceux qui ont eu le bonheur d'apprécier ce concert inspiré à La Chaise-Dieu, dans un cadre qui ne l'est pas moins, mais que les absents se rassurent, ils pourront se rattraper au Festival de Laon (28 septembre), au Théâtre des Champs-Elysées (7 nov.) et à Toulouse (8 nov.). Quant au Don Giovanni, on se permet d’insister, ne le manquez sous aucun prétexte !
Alain Cochard

59e Festival de La Chaise-Dieu, abbatiale Saint-Robert, 27 août 2025
Calendrier 2025/2026 du Concert de la Loge : www.concertdelaloge.com/calendrier/
Tournée Don Giovanni / ARCAL : www.arcal-lyrique.fr/les-spectacles/les-spectacles-en-tournee/don-giovanni/
Photo © Bertrand Pichène
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