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Juan Diego Flórez et Ruzan Mantashyan au Festival Castell Peralada – Vincerò, mais pas trop – Compte-rendu

Carmen Mateu de Suqué, l'âme de Peralada, disparue l'an dernier, ne s'en cachait pas : pour elle rien n'égalait la voix de ténor dont elle raffolait. Domingo, Carreras, Aragall, Kunde, Kaufmann ou Beczala ont ainsi toujours eu les honneurs du festival catalan, accueillis à bras ouverts chaque été. Cette année la présence de Juan Diego Flórez montre que la tradition perdure et qu'elle n'est pas près de s'éteindre. Il n'est pour autant pas certain que le public venu en grande partie pour entendre une célébrité, apprécie le fait de la voir accompagnée par une chanteuse, le plus souvent sympathique, mais choisie pour tenir le rôle de faire-valoir.
La soprano arménienne Ruzan Mantashyan est bien jolie à regarder, mais sa manière de mâchonner le français et l'italien, d'émettre ses aigus en force, de caractériser sommairement les personnages (sa Lucia est terne, sa Marguerite un peu molle et sa Mimi sans grand relief) et d'accorder son chant à celui de son partenaire, ne sont pas faits pour la mettre en valeur. Faute de répétitions suffisantes, ténor et soprano semblent compter sur le soutien du chef Guillermo Garciía Calvo, heureusement solide, à la barre de l'Orchestre symphonique Del Vallès, sans réelle conviction, distillant sans complexe un sentiment de routine.
 
Le duo du 1er acte de Manon fait son petit effet, « Nuit d'hyménée » extrait de Roméo et Juliette est satisfaisant, mais que dire de celui de Lucia di Lammermoor « Verrano a te sull'aure » indignement écourté comme si personne n’allait le remarquer et débité sans passion ! Débuté avec l'air de Roméo « Ah ! Lève-toi soleil » suprêmement phrasé et émis à fleur de lèvres, le concert n'a pas tenu ses promesses, Edgardo (Lucia) et Faust mettant Flórez à la peine, dans une tessiture trop centrale, obligé de ralentir le tempo pour reprendre son souffle et trouver ses appuis avant d'émettre ses aigus, au point de surprendre le chef avec celui de Faust.
Après une démonstration en demi-teinte, de leurs capacités, les deux chanteurs sont revenus avec un charmant « Vaya una tarde bonita Torero » tiré d'El gato Montès de Manuel Penella Moreno, Ruzan Mantashyan « osant » un « Babbino caro » simpliste, Flórez ne résistant pas à livrer son habituel « Granada » avant de séquestrer l'auditoire et l'orchestre avec trois chansons accompagnées à la guitare, dont la sempiternelle « Cucurrucucu Paloma » et de surprendre l'assistance en entonnant pour finir « Nessun dorma » évidemment très applaudi. Un tube qui lui a permis de sortir vainqueur d'une soirée pour le moins hésitante : « Vincerò, vincerò » ...
 
François Lesueur

Festival Castell Peralada, 8 août 2019

Photo © Miguel Gonzales

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