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Joyce DiDonato et Maxim Emelyanychev au Théâtre des Champ-Elysées – Baroque therapy ? – Compte-rendu
Le principe du récital thématique où l’interprète est censé raconter une histoire plutôt que d’enchaîner avec plus ou moins de bonheur les mélodies n’est pas nouveau : il y a quelques années Felicity Lott avait tenté de renouveler le genre avec un délicieux programme mis en scène par Laurent Pelly (Parlez-moi d’amour), tandis que Juliette Deschamps était à l’origine de deux très belles actions musicales théâtralisées autour de la personnalité d’Anna Caterina Antonacci (Era la notte et Altre stelle).
Le concert-concept imaginé par Joyce DiDonato (photo) intitulé « In war and peace » est un mélange des deux. Alors que la cantatrice américaine choisissait les morceaux de son prochain album (publié chez Erato), celle-ci apprenait, bouleversée, les attentats parisiens du 13 novembre. Face à ce geste terrible, DiDonato a décidé de bâtir un programme thématique autour de la guerre, de la paix et de toutes les nuances qui peuvent leur être associées, dirigé par le trépidant Maxim Emelyanychev.
Le succès aidant, la chanteuse et son chef ont œuvré pour que ce programme de concert devienne un spectacle en faisant appel à Ralf Pleger pour la mise en espace, Yousef Iskander pour les créations vidéo, Henning Blum pour les lumières ainsi qu’au danseur et chorégraphe Manuel Palazzo.
Maxim Emelyanychev © DR
Est-ce la chaleur, la fatigue ou le fait que nous ayons dû attendre près de vingt minutes le début de la « représentation » qui ont pesé du mauvais côté de la balance, mais nous n’avons à aucun moment été sensible à cet essai, ni éprouvé la moindre émotion. Mal à l’aise dans ses robes compliquées signées Vivienne Westwood et trop maquillée, Joyce DiDonato pourtant magnifiquement accompagnée par l’ensemble Il Pomo d’Oro, a semblé totalement extérieure, distante, enchaînant les airs sans les incarner, exécutant certes avec fougue les traits virtuoses, dont ceux qui parsèment l’air d’Andromaca de Leonardo Leo où la veuve d’Hector met Pyrrhus au défi de tuer son fils, sans être en mesure de faire croire à la douleur de Didon abandonnée par Enée pendant le poignant lamento « When I am laid in earth ».
Que s’est-il passé chez cette artiste qui savait si bien nous faire frissonner, passer d’un affect à l’autre et surtout nous faire croire en l’espace d’un instant à la vérité de ses propos ? A force de se détacher, de privilégier la beauté du son à l’expression, nous n’avons entendu que le chant désincarné d’une cantatrice en train de s’admirer, l’air d’Almirena « Lascia ch’io pianga » apparaissant ici comme un sommet de narcissisme vocal et de pur artifice.
La paix aurait pu nous faire oublier cette éprouvante première partie, heureusement entrecoupée de très beaux extraits orchestraux composés par Emilio de’Cavalieri, Purcell et Gesualdo, mais ni la puissance inébranlable de l’amour manifesté par Orazia au moment de mourir (The Indian Queen), ni les épanchements champêtres de la Susanna haendelienne et encore moins les insupportables échanges gazouillants d’Almirena « Augelletti, che cantata » (Rinaldo) ne nous ont convaincu, alors que la seule écoute de « Da pacem Domine » d’Arvo Pärt nous a serré le cœur.
Encore une fois la technique de la cantatrice n’est pas en cause, la fluidité des vocalises, la projection et la tenue des registres étaient là, mais l’absence d’interprétation, la ressemblance entre toutes ces femmes, l’interchangeabilité de chacun de ces portraits ont contrarié notre plaisir et nous ont empêché de croire à cette prétendue histoire d’harmonie par la musique, ou de musique comme antidote. Et ce ne sont ni les fumigènes déversés avec générosité en guise de champ de bataille, ni les incrustations vidéo sans réelle nécessité, ni les interventions inutiles du danseur qui nous auront permis de supporter un interminable pensum.
François Lesueur
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 24 mai 2017
Photo Joyce DiDonato © Simon Pauly
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