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Joseph Calleja en concert au TCE - Le ténor qui monte - Compte-rendu

Irrésistible, tout simplement, ce qui ne veut pas dire bouleversant, comme un Villazon à ses grandes heures, en digne successeur de Domingo : Calleja, lui, s’inscrit dans la mouvance Pavarotti, ce qui n’est certes pas à dédaigner ! Eliminons d’emblée la petite faille de ce splendide phénomène, à savoir une ligne de chant un peu uniforme, sans ces relances dynamiques et dramatiques qui remettent l’émotion en selle, et émerveillons-nous de ce qu’une pareille voix plane aujourd’hui sur une arène où les autres toreros assument sans toujours assurer. Bref, Calleja, 35 ans, plutôt beau, traîne (presque) tous les cœurs après lui, avec un enthousiasme juvénile réjouissant, un professionnalisme dont on ne doute pas que ses fréquentes apparitions au Met new yorkais l’aient affirmé, et la clarté d’un chant limpide et vaillant, dont la sûreté et l’ampleur ne faiblissent jamais, même dans les graves. Et dans de multiples répertoires, car le ténor maltais passe aisément de Bizet à Massenet, et surtout de Verdi à Mascagni et Puccini, dont il a déployé les deux airs de Cavaradossi avec une largeur impressionnante. Mieux encore : le « Nessun dorma » de Calaf, dont on vérifie qu’il est à ce jour le seul capable de le porter à ce point de pureté triomphante. Son vincero final (d’autant que l’air était donné en bis) était ô combien explicite.

Sur la lancée du populaire et atypique Mario Lanza, dont son dernier enregistrement chez Decca, Be my love, porte les couleurs, Calleja, apparu il y a une petite décennie comme le ténor lyrique le plus porteur de promesses, les a à peu près toutes tenues. En France, on se souvient de lui dans une Somnambula à l’Opéra d’Avignon, où Raymond Duffaut l’avait invité en 2004 - ce qui permet d’apprécier les énormes progrès accomplis, notamment sur le plan du souffle. Mais le public parisien brûle de l’entendre dans un vrai rôle, privilège, semble-t-il, du Met, de l’Opéra de Vienne ou de Covent Garden où il brûle les planches. « 2015, peut-être, à l’Opéra », glisse-t-il. Car malgré la délicatesse des cordes de l’Orchestre Symphonique de Navarre, - très belle méditation de Thaïs- l’engagement et l’attention portée au soliste du chef Frédéric Chaslin, on regrette bien évidemment de ne pas voir l’étincelant ténor s’épanouir dans tous les registres scéniques que sa présence électrique et la richesse de son timbre chaleureux ajoutent à sa parfaite diction. Une voix que l’on a envie de qualifier d’élancée.

Jacqueline Thuilleux

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 18 janvier 2013

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Photo : DR
 

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