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Janina Baechle en récital au Musée d’Orsay - Le sens des mots - Compte-rendu

Le programme distribué à l’entrée de la salle ne comporte que les textes et traductions des mélodies italiennes inscrites au programme franco-italien (Gounod, Verdi, Tosti, Chausson, Respighi, Hahn) du récital que de Janina Baechle donne au Musée d’Orsay, en compagnie du pianiste brésilien Marcelo Amaral et du Quatuor Alfama, une jeune formation belge (deux violons wallons, un alto et un violoncelle flamands : une entente remarquable !). Quel besoin a-t-on en effet des textes français quand on a affaire à une aussi remarquable diseuse ; la chose est entendue d’entrée de jeu avec Mignon de Gounod. De plus, si la voix de la mezzo allemande peut sans aucun mal se confronter à de grandes salles, elle sait s’adapter à l’acoustique intimiste de l’Auditorium du musée, idéale pour la mélodie.

Verdi est prétexte à un récital inscrit dans le cycle « Viva Verdi », mais ne l’occupe que pour trois mélodies de jeunesse servies avec un lyrisme frémissant (superbe Perduta ho la pace !). Janina Baechle saisit avec justesse le caractère de chaque maillon d’un programme intelligemment équilibré. La chanson de l’adieu et le Vorrei morire de Tosti sont parfaits de tact.

On guettait particulièrement La Chanson perpétuelle et trois Respighi ; le bonheur est total. L’alliance avec le quintette à cordes permet à une voix richement timbrée de cultiver la troublante atmosphère née de la rencontre de Chausson et de la poésie de Charles Cros. Prenantes et troublantes aussi les Nebbie d’un compositeur italien bien trop méconnu, où le jeu expressif et richement timbré d’Amaral colle idéalement à la noirceur du poème de Negri. Après E se un giorno tornasse, remarquable de pudeur, Baechle signe trois Reynaldo Hahn (Lydé, Tyndaris, Phyllis) charmeurs et sensibles, avant de s’engager pour conclure dans le vaste Tramonto de Respighi. Portée par les archets des Alfama, elle en cultive la poésie magique et ambiguë. Public conquis, accueil enthousiaste : trois bis (Hahn, Fauré) dans la lignée d’un récital où l’émotion musicale s’est continûment nourrie du sens des mots.

Un très grand coup enfin chapeau à Marcelo Amaral dont la première collaboration avec Janina Baechle a souligné l’exceptionnelle intelligence musicale. Il est vrai qu’il a appris auprès d’Helmut Deutsch, Peter Schreier, Dietrich Fischer-Dieskau, Elly Ameling, Rudolf Jansen, Malcolm Martineau ou Roger Vignoles… Excusez du peu.

Alain Cochard

Paris, Musée d’Orsay, 25 avril 2013

Photo : DR
 

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