Journal
Jan Lisiecki en récital au Théâtre des Champs-Elysées – Les Préludes, où ça ? – Compte-rendu

Il est des concerts qui vous laissent déçu, c’est la vie, d’autres carrément en pétard – passez-moi l’expression – et consterné par une véritable défaite de la musique. Le récital que Jan Lisiecki vient de donner au théâtre des Champs-Elysées est de ceux-là. « Préludes aux Préludes » : le programme du pianiste canadien proposait en première partie une série de préludes piochés à droite et à gauche, de la « Goutte d’eau » (op. 28/15) de Chopin à l’Opus 23 n°5 de Rachmaninoff, en passant entre autres par le fameux do majeur de Bach, les nos 1 à 3 de l’Opus 1 de Szymanowski ou ceux des Préludes de Messiaen. Pourquoi pas ? À condition de tirer un fil narratif de la mosaïque. Las ... rien ! Juste un enfilage de morceaux – dont le sublime et visionnaire Op. 45 de Chopin, plat comme crêpe, pourrait résumer le ratage. Soit, Szymanowski et Messiaen s’en sont tirés un (petit) peu mieux sans doute, mais ce manque de couleurs, de caractère, pour finir sur un sol mineur de Rachmaninoff tapé et tape-à-l’œil ... Non !
> Les prochains concerts Chopin en Ile-de-France <
Préludes Op. 28 de Chopin après la pause, autant dire une arche d’une cohérence musicale et dramatique absolue, implacable, qu’il faut savoir tendre par-delà les apparences d’une succession de miniatures. Arrau, à propos des trois ré conclusifs du 24e Prélude, évoquait les Parques tranchant les fils de la destinée ... Dire que Lisiecki passe à côté de l’ouvrage, du cycle, est un doux euphémisme. Vingt-quatre pièces se succèdent sous ses doigts – sans aucune nécessité intérieure –, avec le même silence après chacune là où, justement, il faut savoir jouer sur des respirations plus ou moins longues, des enchaînements soudains parfois. Incolore, insipide, d’une platitude exaspérante dans les moments les plus poétiques (les accords initiaux du n° 17, pour ne prendre que cet exemple, atterrent par leur vacuité ...), il durcit sa sonorité dans les épisodes plus énergiques. Pour ne pas dire qu’il gifle la note. Un contre-modèle absolu.
Romance n° 2 de Schumann en bis, parfaitement accordée au reste de la soirée : ratée. Et tellement attristante pour ceux qui ont mémoire la fraîcheur de Lisiecki à ses débuts – nous étions présent à la Bibliothèque Polonaise lors d’une des toute premières apparitions du pianiste à Paris, il y a ... longtemps.
Alain Cochard

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 7 juin 2025
Photo © Christoph Köstlin
Derniers articles
-
14 Juin 2025Frédéric HUTMAN
-
14 Juin 2025Alain COCHARD
-
13 Juin 2025Ionah Maiatsky en récital au temple du Foyer de l’Âme – Un jeune talent au pied levé – Compte-renduAlain COCHARD