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« J’aime pas les concerts ... mais j’prendrais bien un café ! » par Rodolphe Briand et Vincent Leterme – Gouaille caf’ conç’ – Compte-rendu

Pianiste seul en scène, occupé par le thème et variations initial de la Sonate « alla turca » de Mozart. Débarque de la salle un bougonnant ténor, sérieusement remonté contre une musique qui, d’évidence, ne l’enthousiasme guère. Notre homme préfère Chaudoir, Félix Chaudoir, l’un de ces auteurs de café-concert chez qui Rodolphe Briand (photo) et Vincent Leterme ont puisé la matière de « J’aime pas les concerts ... mais j’prendrais bien un café ! ». Treize titres seulement (au sein d’un répertoire immense que le Palazzetto Bru Zane a bien raison de mettre en lumière car il fait partie intégrante du panorama musical du XIXe et du début du XXe siècle) ; ils suffisent amplement à bâtir un spectacle d’une grosse heure tant les deux protagonistes y mettent du leur et savent enjoliver leur matériau de départ – avec l’aide G. Feydeau et A. Allais !

Vincent Leterme (à g. ) et Rodolphe Briand © Palazzetto Bru Zane – Rocco Grandese

Physique généreux, trois pièces pied-de-poule, Rodolphe Briand est l’homme de la situation. Il se présente (dans sa note d’intention) tel un « revenant des années caf’ conç’ » et entraîne l’auditoire dans un programme qui prend prétexte de l’opposition entre répertoire classique et genre populaire pour plonger l’auditoire dans de savoureuses chansons, de Ça m’agace ! d’Ettling et Bourget à Rose blanche de Bruant, en passant par Tu sens la menthe (Borel-Clerc/Morteuil/Joullot), J'viens d'perdr' mon gibus (Chaudoir/Delormel/Laroche), Le Beau Chef de musique (Gangloff/Demormel/Garnier) ou encore la drôlissime Malheureuse Adèle ! de Claude Terrasse et Franc-Nohain. Entre les divers morceaux, les propos d’une gouaille très parigote et les jeux de mots jeux de mots du chanteur, comme les petites « provocations » du pianiste, souvent tenté de revenir à « son » répertoire, pimentent la sauce, tandis que les chansons montrent la malléabilité expressive et vocale dont Rodolphe Briand est capable. Le sommet du spectacle est de ce point de vue atteint lorsque, après s’être travesti – sur une seule face ! – pendant que Vincent Leterme joue le fameux Amour et Printemps de Waldteufel, le ténor revient et tient à lui tout seul les rôles de Bettina et Pipo dans leur duetto de la Mascotte d’Audran. Croustillante conclusion !

Une joyeux moment, chaleureusement applaudi et couronné par trois bis, dont la Pêche à la baleine de Prévert et Kosma - manière de rappeler la place du caf’ conç’ dans l’histoire de la chanson française. Notez dès à présent que la série des "Bouffes de Bru Zane" à Marigny se poursuit (les 28, 29 février, 1er 3, 4 et 5 mars) avec Lischen & Fritzchen d'Offenbach et Un mari dans la serrure de Frédéric Wachs.

Alain Cochard

Paris, Studio du Théâtre Marigny, 14 décembre 2019-12-23  // Lischen & Fritzchen d'Offenbach & Un mari dans la serrure de Frédéric Wachs www.theatremarigny.fr/spectacle/les-bouffes-de-bru-zane-fevrier-mars/

Photo © Palazzetto Bru Zane – Rocco Grandese

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