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Itamar Golan et Natsuko Inoue au Mahj – Duo de charme – Compte-rendu

Pour ceux qui ont eu la chance de la vivre dans les années 1990, l’irruption du duo Itamar Golan-Maxim Vengerov sur les scènes mondiales, fut un événement inoubliable : la splendeur fauve du son du violoniste, la réactivité et la finesse du pianiste créaient un choc que le public recevait comme une décharge. Depuis, la paire s’est défaite puis refaite, (on les retrouve à Pleyel ce 15 mars) mais si Vengerov a continué, de façon chaotique et souvent douloureuse, sa route de star solitaire, Itamar Golan, lui, s’est voulu chambriste, n’affrontant presque jamais seul les feux et les angoisses de la rampe, et entretenant une fusion très particulière avec son piano.
 
On en a eu une touche particulièrement révélatrice au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, dans le parfait petit auditorium où l’on peut dénicher quelques pépites : une soirée à quatre mains où la ravissante pianiste japonaise Natsuko Inoue ajoutait sa virtuosité précise au lyrisme de son partenaire. En première partie, Mendelssohn, transcrit pour quatre mains donc, dans trois de ses Romances sans paroles opus 62, les 2, 3 et 5, puis Fanny Mendelssohn, dont on a souvent dit qu’elle avait été effacée par les pressions de l’époque - ce qui ne fut heureusement pas le cas de Clara Schumann -, avec quatre Klavierstücke de sa composition. Même fraîcheur mesurée, même élégance, même douce nostalgie : un répertoire tout de charme, joué avec simplicité par le duo Inoue-Golan.
 
De Mozart, la Sonate à quatre mains en do majeur KV 521, on dira qu’elle est superbement équilibrée, et un modèle de graduation musicale. Ensuite, pour rendre honneur au lieu, des mélodies yiddish adaptées pour le piano par Olivier Hutman : facilité, poésie, rythme syncopé, une belle synthèse à goûter, sans prétention musicologique. Puis changement total : déjà pour les mélodies, Golan, tenait les aigus au lieu des graves, ce qui permettait un changement bienvenu dans le son du piano, considérablement affiné par cette différence d’attaque. Avec la Fantaisie en fa mineur D 940 de Schubert qui refermait le concert, on passait de la grâce d’une jolie musique à l’état de grâce d’un chef-d’œuvre toujours nouveau. Là, Itamar Golan faisait valoir l’extrême délicatesse de ses attaques, la retenue d’un jeu tout d’intelligence, et l’expressivité d’un tempérament qui n’a pas besoin de s’étaler. Comme Schubert. Une merveille.
 
Prochain concert au Mahj, le 6 avril, avec un récital de la jeune soprano Marie-Laure Garnier, accompagnée par Célia Oneto Bensaïd (piano) et Célia Triplet (violon), sur le thème « Fernand Halphen, un compositeur dans la Grande Guerre » (œuvres de Halphen, Fauré, Hahn, Massenet et Debussy).
 
Jacqueline Thuilleux
 
Paris, Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, 6 mars 2014.
 
Site du Mahj : www.mahj.org

Photo © DR

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