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​Ionah Maiatsky en récital au temple du Foyer de l’Âme – Un jeune talent au pied levé – Compte-rendu

 
On attendait l’excellent Sacha Morin. Souffrant, le pianiste a dû renoncer à donner le récital programmé dans la série de Jeunes Talents et c’est son excellent confrère Ionah Maiatsky (photo) qui s’est présenté au public du temple du Foyer de l’Âme. On avait eu l’occasion, en janvier dernier, de vous dire les qualités du Duo Ermitage, que Maiatsky forme depuis 2018 avec le violoncelliste Paul-Marie Kuzma.(1) Mais le jeune artiste (né en 2001) est un remarquable soliste aussi dont le talent s’est en l’occurrence exprimé au pied levé.

Sens polyphonique

Sur un beau Steinway de la fin des années 1890 à la sonorité veloutée, Ionah Maiatsky ouvre son programme par le 12Prélude et fugue en fa mineur du Livre I du Clavier Bien Tempéré. Dès la première mesure il est en plein dans son sujet, installé au cœur d’une partition qu’il déploie avec autant de sens polyphonique que de calme majesté.
Suit l’ultime Sonate n° 19 «  La Chasse » qui, par la science contrapuntique qui s’y exprime, trouve naturellement sa place après la pièce de Bach. Un Mozart vivant, foisonnant d’intelligence et de sensibilité dans l’Allegro, avant un Adagio merveilleusement poète et tendre et un final emporté  – mais pas trop vite – dans une sorte de bonheur ailé.

Un évident tempérament scriabinien
 
A l’occasion d’une interview que nous avions réalisée de lui en 2022 dans d’autres colonnes (1), Maiatsky nous avait dit son amour pour la musique Scriabine et combien des interprètes tels que Horowitz et Sofronitzky l'ont marqué.
Son récital ne comporte qu’une courte page du Russe, la Danse op. 73/1 « Guirlandes ». Une miniature ? Oui, mais sous la « grâce languissante » –  au-dessus, vaut-il mieux dire –, avec une grande sensualité de toucher, le pianiste ouvre tout un monde. La façon qu’il a de tenir, jusqu’à extinction complète du son, l’ultime accord arpégé apporte in fine un effet saisissant – la musique paraît happée dans un espace infini. D’évidence, Maiatsky a énormément de choses à nous dire dans Scriabine ...

Une vraie dramaturgie
 
Première du triptyque des « Sonates de Guerre » de Prokofiev, la Sonate n° 6 ne convainc pas moins. Maiatsky comprend autant qu’il maîtrise les contrastes de la partition et s’en sert pour construire une vraie dramaturgie. Mélange d’acier et de rêve sous ses doigts, l’Allegro moderato pressent la catastrophe qui approche (l’Opus 82 fut terminé en 1940 ...), tandis que l’Allegretto déborde de mordant et d’ambiguïté. Le Tempo di walzer, ample comme la voute céleste, souligne le sens poétique et la palette variée de l’interprète, avant un Vivace tumultueux et cinglant à souhait.
 
En bis – un vrai, chaleureusement réclamé par le public ! – Maiatsky se plonge dans Baigneuses au soleil de Déodat de Séverac, avec une souplesse, une mobilité du jeu, des couleurs et une éclaboussante luminosité qui donnent envie de le réentendre dans ce répertoire.
De belles promesses, écrivions-nous il y a trois ans. Elles sont plus que largement tenues : suivez ce pianiste ! 
 
Alain Cochard
 

 
(1) www.concertclassic.com/article/paul-marie-kuzma-et-ionah-maiatsky-duo-ermitage-la-scala-paris-elan-complice-compte-rendu
 
(2) pianiste.fr/ionah-maiatsky-belles-promesses/
 
 
Photo © JHanckProductions
 

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