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Iolanta à l’Opéra-Théâtre de Metz - Le triomphe de la raison musicale - Compte-rendu

Ultime chef-d’œuvre lyrique de Tchaïkovski créé le même soir(1) que Casse-Noisette, Iolanta est trop rarement programmé en France pour que l’on ne fête pas cette nouvelle coproduction de l’Opéra-Théâtre de Metz avec l’Opéra national de Lorraine dans le cadre de l’événement Renaissance Nancy 2013. D’autant que l’on se contente souvent d’une version de concert, alors que la viabilité de l’œuvre à la scène ne fait aucun doute, ainsi que l’a montré Peter Sellars l’an passé à Madrid. Avec sa scénographie cohérente empruntant à l’univers de la science-fiction et des jeux vidéos, le travail de David Hermann prend trop de distance avec l’univers esthétique de l’ouvrage, entre la fable et le conte, sans compter un prologue, d’une incongruité abyssale, inséré entre le prélude et la première scène, défiant toute logique musicale, avec un texte indigent dû à une certaine Clara Pons qui évente tout le mystère du livret.

Mais l’on oublie aisément ce demi-échec visuel grâce à l’excellent plateau vocal réuni, presque exclusivement slave, et qui s’avère l’un des plus homogènes que l’on ait entendu cette saison. Dans le rôle-titre, Gelena Gaskarova affirme un lyrisme sensible et frémissant qui la distingue de timbres plus opulents habituellement pris pour référence, tandis que l’on regrette la perruque albinos qui occulte la séduisante beauté de la jeune soprano. Impeccable sur l’ensemble de la tessiture, Mischa Schelomianski incarne un mémorable roi René, et démontre une admirable maturité dans sa bouleversante prière. Aussi solide que lumineux, Georgy Vasiliev affiche une irrésistible juvénilité en Vaudémont, à côté de laquelle ne dépare point l’excellent Robert d’Igor Gnidii, au style et à la technique irréprochables. Emission aux couleurs claires et un peu nasales, Evgeny Liberman surprend en médecin maure, mais ne se montre jamais pris en défaut par l’ambitus de sa partie.

Les seconds rôles ne sont nullement dévolus à des seconds couteaux, à l’instar du Bertrand vigoureux de Yuri Kissin ou de l’Alméric généreux composé par Avi Klemberg Le trio féminin se révèle également honnête : Svetlana Lifar souligne de son registre de poitrine la maternelle affection de Marta, la nourrice, tandis qu’Inna Jeskova et Elena Golomeova interprètent de satisfaisantes Brigitta et Laura, les deux amies de Iolanta.

A la tête de l’Orchestre national de Lorraine, Jacques Mercier exprime son authentique amour pour ce chef-d’œuvre négligé, et s’accommode habilement des limites de la formation – en particulier des violons au vibrato sucré parfois incertain. Après un début de soirée à la recherche de la juste balance entre fosse et plateau, le chef parvient à une belle plénitude sonore qui éclôt dans l’incandescence du finale. Palliant l’espace contraint de la salle messine, les chœurs, unissant les forces de l’Opéra national de Lorraine et de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, sont placés dans les loges d’avant-scène, à l’unisson de la réalisation orchestrale.

Gilles Charlassier

(1) le 18 décembre 1892, au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg

Tchaïkovski : Iolanta – Metz, Opéra-Théâtre, 12 avril 2013, prochaines représentations  à Nancy, les 30 avril et 2, 5, 7 et 9 mai 2013 (www.opera-national-lorraine.fr)

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Photo : P. Gisselbrecht - Metz Métropole
 

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