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Inauguration du Merklin restauré de Mantes-la-Jolie - Orgues en dialogue - Compte-rendu
Ouvert le 11 mai avec l'inauguration de l'orgue de chœur de la collégiale, œuvre de Bernard Cogez, « entièrement financé par un mécène privé », le Printemps des Orgues 2013 s'est refermé les 25 et 26 mai avec l'inauguration de son grand orgue Merklin (1897) restauré par les facteurs Laurent Plet et Yves Fossaert, Christian Lütz étant technicien-conseil. Muet depuis 1970, l'instrument revit au terme d'une longue aventure. Endommagé durant la Seconde Guerre mondiale, mal relevé, électrifié (transmissions) et partiellement dénaturé – l'harmonie restant cependant intacte – lors d'une restauration incompétente au début des années 1950, le Merklin avait fini par sombrer dans le silence. Dix-huit années d'études, de pourparlers, de recherche de financements puis de restauration (2010-2013, 18 000 heures de travail – avec notamment, pour l'assistance pneumatique des transmissions, la reconstruction de trois machines Barker, une pour chacun des claviers manuels – dont deux sont expressifs) auront été nécessaires pour aboutir au splendide résultat que les Mantois – et sans doute bien au-delà de l'Agglomération de communes – ont eu le bonheur d'applaudir lors du flamboyant récital de Daniel Roth, organiste du Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice à Paris : l'entrée était libre mais sur réservation, tant on espérait la foule des grands soirs. De fait, 1200 personnes ont assisté à l'inauguration du Merklin restauré ! Le lendemain, dimanche matin, la Messe à deux orgues de Charles-Marie Widor, avec le Chœur de la cathédrale de Versailles, dirigé par Laurent Dufour, et ses deux organistes : Jean-Pierre Millioud et Christian Ott, devait attirer pas moins de 900 personnes.
Porté par l'association Valeur et Culture de la Vallée de la Seine et son mécène Philippe Allio, c'est en 1995 que le projet prit forme. La construction en 1988, au revers de la façade principale, d'un orgue neuf d'esthétique (musicale) néoclassique dû à la Manufacture Danion permettait de prendre le temps de la réflexion afin de concevoir une sorte de projet idéal (que les Bâtiments de France, si souvent sourcilleux sur le moindre détail stylistique ou d'architecture, aient validé le buffet aux lignes roides et si pauvrement inspirées de l'orgue Danion, quand bien même solidement pensé en fonction des lancettes du pignon ouest et indépendamment de la qualité de l'instrument, ne laisse de surprendre). Une fois n'est pas coutume, le détail du budget figurait sur le programme du concert inaugural et mérite d'être communiqué. Coût total de la restauration : 724 783 € (ou, si l'on veut, l'équivalent d'un simple rond-point de taille moyenne comme il en existe des milliers et des milliers en France), dont 327 000 € pour la Ville de Mantes-la-Jolie, 135 225 € pour le Conseil régional, 108 180 € pour la Drac (État), 94 000 € pour l'association Valeur et Culture, 30 490 € pour le Conseil général – et 30 000 € de la part du mécène. Entièrement démonté, l'orgue a été restauré à l'identique dans chacune de ses innombrables parties, qu'il s'agisse de l'instrument proprement dit ou de son buffet néogothique.
Le programme du concert, musicalement et instrumentalement exigeant mais aussi chaleureusement grand public, permit de découvrir la palette de ce Merklin de 37 jeux. Trônant sur une tribune « intérieure » située sous la tour nord, l'instrument ne sonne pas directement dans la nef mais latéralement, la propagation du son étant nécessairement moins immédiate – elle y gagne presque un surcroît de mystère et de poésie –, pour une présence toutefois affirmée. En début et fin de concert, le Merklin dialogua avec l'orgue de chœur, touché par Jean-Baptiste Monnot, professeur d'orgue au Conservatoire de Mantes-en-Yvelines. En introduction : Concierto de dos organos de Pedro José Blanco (1775-1841 ou c.1750-1811 ?), mélodiquement et rythmiquement séduisant, avec, dans la répartition de la dynamique, l'orgue de chœur dans le rôle du soliste, le Merklin dans celui du soutien orchestral.
Daniel Roth poursuivit avec l'immense Prélude et Triple Fugue en mi bémol BWV 552 de J.S. Bach (Clavierübung III), joué en parfaite adéquation avec l'esprit symphonique du Merklin (ardent lyrisme, rythmique souple, sans hiératisme) ; la Sixième Sonate de Mendelssohn, idéale pour magnifier la diversité tant des couleurs que de la dynamique (merveilleux Andante final, d'une infinie douceur, étrangement lointain et présent) ; un intense Choral n°2 de Franck, tour à tour impétueux et mystérieux ; le virevoltant Scherzo de la Quatrième Symphonie de Widor et l'Allegro initial de la Sixième, page d'apparat entre toutes – Daniel Roth ne reculant devant aucune prise de risque instrumental pour un formidable résultat en termes d'impact sonore et de pure virtuosité. Suivit une improvisation, libre et séduisante, dans l'esprit de l'époque de ce Merklin : si le jeune Debussy avait composé pour l'orgue, cela aurait pu donner ce que l'on entendit à Mantes – avec comme par anticipation l'évocation des éléments naturels appelés à prendre musicalement forme dans La Mer…
Le programme se referma sur la création d'une œuvre commandée à Daniel Roth par le Conservatoire à Rayonnement Départemental de Mantes : Fantaisie-Dialogue pour deux orgues, grande page propre à mettre en valeur timbres et possibilités « antiphonaires », comme disent les Britanniques, grands amateurs de ce genre de musique d'apparat pour la beauté du son et cette aptitude à faire vibrer un public. Une musique certes d'aujourd'hui mais sans rien qui puisse agresser l'auditeur non averti : une musique de fête pour une circonstance particulière – l'inauguration d'un grand orgue symphonique de la fin du XIXe siècle. Ce fut néanmoins à Bach que revint le dernier mot, avec en bis l'ébouriffante Fugue en sol mineur du grand diptyque BWV 542.
Avec ces deux instruments de la collégiale et le nouvel orgue du Conservatoire, tous les espoirs sont permis pour parvenir à susciter un nouveau public d'orgue, le séduire et le fidéliser : c'est la mission du CRD de Mantes, pour un succès que l'on souhaite fécond et durable.
Michel Roubinet
Collégiale de Mantes-la-Jolie (Yvelines), 25 mai 2013
Sites Internet :
Programmation du « Printemps des orgues dans le Mantois » (du 11 au 26 mai 2013)
http://orgueenmantois.wordpress.com/les-facteurs-dorgues/le-printemps-de...
Histoire de l'orgue Merklin de la collégiale de Mantes-la-Jolie
http://orgueenmantois.wordpress.com/les-orgues/le-grand-orgue-merklin-de...
Laurent Plet, facteur d'orgue à Troyes (Aube)
http://lplet.org
Yves Fossaert, facteur d'orgue à Mondreville (Seine-et-Marne)
http://orgues-fossaert.com
Bernard Cogez, facteur d'orgue à Tourcoing (Nord)
http://gpfo.free.fr/entreprise.php?facteur=chevron
Daniel Roth
http://www.danielrothsaintsulpice.org
Jean-Baptiste Monnot
http://jeanbaptistemonnot.chez.com
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Photo : Alain Le Cam
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