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​Hervé Niquet dirige Phryné à l’Opéra-Comique – En avant l’opéra !

 
De Boismortier à Brahms, de Destouches à Poulenc, de Purcell à Gounod, de Lully à Saint-Saëns ou Hahn, la discographie d’Hervé Niquet (photo) surprend tant par son ampleur que son extrême variété. Des enregistrements réalisés avec le Concert Spirituel souvent – ensemble qui fêtera ses 35 ans la saison prochaine –, mais aussi avec des formations modernes et en particulier le Brussels Philharmonic qu’une longue et très fructueuse relation unit au chef français.
Longtemps l’activité d’Hervé Niquet est restée essentiellement cantonnée à la musique sacrée, offrant peu de place à l’opéra mais donnant l’occasion au chef d’exprimer son sens dramatique dans un autre contexte avec une théâtralité assumée (on songe à son Messie version 1754, publié par Alpha, qui décoiffa quelque peu les commentateurs outre-Manche ... et fut élu in fine Disque de la Semaine de la BBC !).
 
Le Roi Arthur jalon essentiel

 
Les temps changent et les directeurs de scènes lyriques, soucieux du renouvellement de leur public, commencent à comprendre que la présence d’Hervé Niquet constitue un sérieux atout. René Koering, à Montpellier, avait été le tout premier à le saisir, lui qui dès 2008 associa le Concert Spirituel à Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino, pour un savoureux Roi Arthur de Purcell repris bien des fois depuis – et ce n’est pas fini ! Un temps fort du parcours d’Hervé Niquet et de sa formation ; « un spectacle marquant pour toute une génération de spectateurs qui ont pris goût à l’opéra grâce à ça, souligne le chef. » Il se pourrait bien qu’en proposant à la même équipe de monter une Platée qui, après le Capitole, a triomphé il y peu à l’Opéra Royal de Versailles, Christophe Ghristi, patron de la scène toulousaine, ait posé un jalon de même nature avec ce spectacle proprement irrésistible (dans lequel Matthias Vidal donne la mesure de son art). Le courant passe entre C. Ghristi, personnalité « un peu hors normes dans le paysage des directeurs d’opéra » selon Hervé Niquet, et le chef ; de nouveaux projets se mettent en place, à commencer par l’invitation à diriger l’Orchestre du Capitole en janvier prochain dans la production des Noces de Figaro de Marco Arturo Marelli.
 
 
Platée à Toulouse  © Mirco Magliocca

Une saison 2022-2023 très opératique
 
Avec cinq ouvrages, dont trois mis en scène, la saison 2022-2023 présentera un caractère très opératique pour le chef et son ensemble. Dès octobre, il signera un Echo et Narcisse de Gluck (avec Adriana González et Cyrille Dubois dans les rôles-titres) à Versailles. La scène dirigée par Laurent Brunner constitue désormais un pôle essentiel de l’activité d’Hervé Niquet (1) (elle était d’ailleurs coproductrice de Platée) : après la reprise de l’inoxydable Roi Arthur en novembre à l’Opéra Royal, la période des fêtes sera occupée par La Flûte enchantée dans la mise en scène du tandem Roussat-Lubek. Après une étape au théâtre des Champs-Elysées en mars avec la Médée de Charpentier dans les effectifs et les dispositions orchestrales d’origine (version de concert qui fait suite à celle d’Ariane et Bacchus de Marais dans cette même salle en avril dernier et s’inscrit dans le cours d’un projet sur quatre ans réunissant le CMBV, le TCE et le Concert Spirituel), une dernière production scénique attend le chef et ses troupes à Versailles en juin : la Caravane du Caire de Grétry qu’Hervé Niquet s’impatiente de diriger dans la tonique mise en scène de Marshall Pynkovski.

 
Un torrent d’énergie
 
Pour l’heure, c’est à Opéra-Comique qu’on se réjouit de retrouver le chef ce 11 juin, à la tête de l’Orchestre national d’Île-de-France et du Chœur du Concert Spirituel pour Phryné de Saint-Saëns dans le cadre du 9Festival Bru Zane Paris. On avait déjà eu l’occasion de l’applaudir à Rouen l’an passé dans cet ouvrage.(2) Entre temps, un enregistrement (avec l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie) est sorti, confirmant ses affinités avec l’unique partition lyrique comique du compositeur. « Quand on aime Saint-Saëns, on fait presque une overdose avec Phryné, plaisante Hervé Niquet ; c’est le génie français à l’état pur. Il y a à manger pour tout le monde dans l’orchestre : un torrent d’énergie au service d’une histoire drôle ! » Cette fois Anne-Catherine Gillet endossera le rôle de Phryné, au côté du Nicias de Cyrille Dubois, Anaïs Constant, Thomas Dolié, Matthieu Lécroart et Camille Tresmontant complétant la distribution. Moment de plaisir pur en perspective !
 

Pendant l'enregistrement de Phryné à Rouen en 2021 © Le Philtre
 
Acteur central du projet PBZ

 
Inscrit dans la collection Opéra Français du Palazzetto Bru Zane, Phryné vient rappeler le rôle clef qu’Hervé Niquet a joué dans la naissance du PBZ en soufflant à Nicole Bru l’idée d’un Centre de musique romantique française sur le modèle du Centre de musique baroque de Versailles. Heureuse initiative, qui a on le sait conduit à la redécouverte de bien des merveilles oubliées. Avant Phryné, c’est à l’enchantement de L’Île du rêve de Reynaldo Hahn qu’Hervé Niquet nous avait invité.
 « J’ai toujours été un gourmand, mais quand le PBZ s’est ouvert, c’est comme si j’avais acheté la pâtisserie ! » : depuis les débuts du Centre de musique romantique française de Venise, Hervé Niquet a effet joué un rôle central dans la mise en œuvre des projets initiés par Alexandre Dratwicki et sa découvreuse équipe : les cantates pour le Prix de Rome de Debussy, Saint-Saëns, Charpentier ou d’Ollone, Dimitri de Joncières, La Reine de Chypre d’Halévy, Le Tribut de Zamora de Gounod sont quelques exemples des contributions du chef à l’enrichissement de la discographie.(3)
 

Massenet inédit

Un nouveau disque, occupé par une vingtaine de mélodies avec orchestre de Massenet, totalement inédites, sort le 24 juin (dans la collection Bru Zane/Mélodie française). Cette nouvelle pépite du catalogue PBZ réunit Jodie Devos, Cyrille Dubois, Véronique Gens, Etienne Dupuis, Nicole Car et Chantal Santon Jeffery. Difficile quand de telles voix interviennent de ne pas céder au charme profond de pages dont Hervé Niquet, à la tête d’un Orchestre de Chambre de Paris en très belle forme, soigne les climats avec caractère et poésie.
Le 29 juin au théâtre des Champs-Elysées, le concert de clôture du 9e Festival PBZ intitulé « Mélodies du bonheur », sera dirigé par Hervé Niquet (avec l’OCP), avec des chanteurs différents de ceux du disque, à l’exception de Véronique Gens. Il comprendra des mélodies de Massenet, mais aussi de Chausson, Fauré, Debussy, Dubois, Saint-Saëns, etc. : gageons que ces raretés nous seront offertes avec art, chic et gourmandise.

  
Alain Cochard

(1) Autre manifestation des liens entre Hervé Niquet et l'Opéra Royal, le chef y dirige, le 10 juillet prochain, le Chœur Rameau, le Chœur de l'Opéra Royal, le Chœur de l'Armée Française et l'Orchestre symphonique de la Garde républicaine dans un programme "Gloire immortelle ! " ( œuvres de Méhul, Gossec, Planquette, Bizet, Gounod et Berlioz)
www.chateauversailles-spectacles.fr/programmation/gloire-immortelle_e2711

(2) www.concertclassic.com/article/phryne-de-saint-saens-en-version-de-concert-lopera-de-rouen-un-petit-chef-doeuvre-pince-sans
 
(3) Discographie d’Hervé Niquet pour le PBZ : bru-zane.com/fr/dischi/?f_artista=479
 
 
Saint-Saëns : Phryné (version de concert)
11 juin 2022 – 20h
Paris – Opéra Comique
www.opera-comique.com/fr/spectacles/phryne
 
« Mélodies du bonheur »
29 juin 2022 – 20h
Paris – Théâtre des Champs-Elysées
www.theatrechampselysees.fr/saison-2021-2022/orchestre-de-chambre-de-paris-2/herve-niquet-veronique-gens
 
 
Photo © Julien Mignot

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