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Henri-Franck Beaupérin à Notre-Dame - L'Anneau de Salomon - Compte-rendu

Révélé par le 1er Concours International d'Orgue de la Ville de Paris (1995) : Grand Prix d'Interprétation et Prix de la meilleure interprétation de l'œuvre imposée, Éloge I, commandée à Jean Guillou, Henri-Franck Beaupérin, l'un des derniers disciples de Gaston Litaize, mène depuis une carrière de concertiste et d'improvisateur. Sa discographie témoigne de sa prédilection pour les répertoires singuliers. Il a notamment gravé sur l'orgue Cavaillé-Coll–Beuchet-Debierre de la cathédrale d'Angers, dont il est titulaire (il est également directeur pédagogique de l'Académie d'Improvisation à l'Orgue des Pays de la Loire), outre un album de transcriptions (Art & Musique), un CD Ligia Digital consacré à l'œuvre de Raphaël Fumet (1898-1979), avec à la flûte Gabriel Fumet (auteur de La Musique du Silence ou la Dynastie des Fumet : sur son père Raphaël et son grand-père Dynam-Victor [1867-1949], Éditions Delatour France, avec CD).

L'orgue d'Angers est désormais indissociable du Concours de l'Académie des Beaux-Arts (cf. Actualité du 14 mai 2011), dont le Grand Prix porte depuis 2005 le nom du compositeur et académicien Jean-Louis Florentz (1947-2004) : sa Danse symphonique pour grand orchestre L'Anneau de Salomon (1998) était la révélation de ce récital d'Henri-Franck Beaupérin à Notre-Dame de Paris. Somptueusement symphonique, le riche programme s'ouvrait toutefois sur la jubilatoire Paraphrase-Carillon de l'Office de l'Assomption de Tournemire (L'Orgue mystique, n°35) – thèmes du Salve Regina et de l'Ave maris stella : introduction idéale à un récital de haute tenue, Beaupérin ayant fait sonner d'emblée l'orgue de Notre-Dame comme on l'entend rarement – puissance et ampleur maximales. S'ensuivit L'Anneau de Salomon, dans la propre et magistrale transcription de Beaupérin, où l'on devinait aisément l'orchestre original dans l'œuvre devenue pleinement « pour orgue », l'irrésistible mobilité et la complexité de cette vaste partition (presque 30'), en douze sections pour l'essentiel enchaînées, exigeant un souffle sans faille, ici confondant et sous-tendu de registrations tout aussi mouvantes et orchestralement accomplies. L'enregistrement réalisé par Beaupérin à Angers (avec La Croix du sud et L'Enfant noir) vient de paraître chez Art et Musique.

La pièce suivante suscita l'étonnement – et emporta amplement l'adhésion : Le Banquet céleste (1928) d'Olivier Messiaen, dont les proportions apparurent réinterprétées en fonction du lieu et de l'instrument. Tempo globalement plus rapide, mais tout aussi suspendu, que le Très lent, extatique prévu par l'auteur, cependant que la dynamique offrait un incroyable crescendo-decrescendo qui, bien qu'extrapolant également les indications de la partition, n'en fut pas moins, calibré au plus juste, d'un effet spectaculairement envoûtant. Beaupérin, même dans une œuvre aussi connue, parvint à surprendre l'auditeur, au souffle de l'instrumentiste – magnifique virtuose sur l'ensemble du programme – répondant une faculté et une qualité rares de respiration. Ce récital se refermait sur la fameuse Suite op.5 (1933) de Maurice Duruflé : Prélude enchanteur, d'une pâte orchestrale ample et équilibrée ; Sicilienne quasi chambriste mais d'une projection jamais prise en défaut, généreuse de timbres, souple et dansante ; enfin – cheval de bataille entre tous – Toccata enthousiasmante, assurément plus extravertie que ce que Duruflé aurait sans doute souhaité, avec d'ailleurs quelques accords de chamades un peu « voyants », sans faire véritablement basculer la pièce, riche en contrastes précisément restitués, dans l'excès. Une conclusion en fanfare – prolongée avec panache par un Carillon de Westminster de Vierne qui permit d'apprécier une dernière fois toute la palette dynamique de l'orgue de Notre-Dame.

La saison 2011-2012 de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris ne comporte que deux concerts du mardi soir – le second sera donné le 13 décembre par Pascal Reber (cathédrale de Strasbourg) – en plus des concerts du dimanche après-midi : après Wayne Marshall le 4 décembre (heureux titulaire du Marcussen du Bridgewater Hall de Manchester), se produiront Mickael Gaboriau (Saint-Sernin, Toulouse), Frédéric Blanc (Notre-Dame d'Auteuil, Paris) et Olivier Latry. Puis ce sera le silence, à partir de janvier 2012 : le grand-orgue de Notre-Dame sera en travaux (première tranche : réfection générale des transmissions, avec retour à une traction électrique affranchie des aléas de l'informatique) durant sans doute une année…

Michel Roubinet

N.B. Une biographie de Louis Vierne (1870-1937), signée Franck Besingrand, vient de paraître chez Bleu Nuit Éditeur (http://www.bne.fr/page8101.html) : pour une approche non seulement de l'œuvre d'orgue du titulaire de Notre-Dame mais de l'ensemble de sa production, notamment symphonique et chambriste, désormais largement accessible au disque grâce à la firme Timpani (http://www.timpani-records.com/vierne.php).

Paris, cathédrale Notre-Dame, 29 novembre 2011

Sites Internet :

Récital d'Henri-Franck Beaupérin, cathédrale Notre-Dame de Paris, 29 novembre 2011
http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/spip.php?article211

Henri-Franck Beaupérin / orgues de la cathédrale d'Angers
http://chamades.free.fr/

Art & Musique / CD Jean-Louis Florentz
http://www.artetmusique.org/page_artiste.php?id=henri_franck_beauperin,b...

Association Jean-Louis Florentz – L'Anneau de Salomon
http://www.jeanlouisflorentz.com/fr/l-anneau-de-salomon-op-14-1998-,arti...

Notre-Dame de Paris – dernières auditions d'orgue du dimanche après-midi à 16 h 30
http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/spip.php?article8

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Photo : DR
 

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