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Gregory Kunde en récital au Festival Castell Peralada - Sa majesté Kunde – Compte-rendu
Injustement ignoré des scènes françaises (Les Troyens au Châtelet remontent à 2003... et Les Huguenots de Strasbourg à 2012 !), le ténor américain Gregory Kunde poursuit heureusement sa phénoménale carrière en Grande-Bretagne, en Italie et en Espagne de Barcelone à Valencia en passant par Madrid, Bilbao et Peralada, où il incarnait en 2015 un impressionnant Otello. La direction du fameux festival catalan l'a accueilli cette année en récital, dans la ravissante église del Carme. A 63 ans, Kunde, qui venait juste d'interpréter Otello à Londres et d'ajouter à sa longue liste de rôles celui de Calaf dans Turandot (à Tel Aviv), s'est montré sous un jour exceptionnel. Trois mélodies de Bellini « Vaga luna », « Malinconia » et « Vanne o rosa » lui ont suffi pour chauffer son instrument d'une ampleur et d'une puissance étonnantes, conduit avec d'infinies précautions pour éviter d'envahir l'espace. Le métal éclatant de ce timbre miraculeusement préservé malgré les années et le poids de partitions on ne peut plus dramatiques et cette virtuosité légendaire demeurée intacte, étaient évidemment à l'honneur dans le vaillant aria de Pollione « Meco al'altar di Venere » (Norma) saisissant d'assurance, de bravoure et d'éclat, sous-tendu par une véritable ligne belcantiste.
Deux mélodies de Rossini suivaient, dont la périlleuse « Tiranna alla spagnola » variation sur « Mi lagnero tacendo » extrait du recueil Pêchés de vieillesse, hérissée de vocalises portées par un souffle généreux, avant que le ténor ne s'empare du célèbre « Asile héréditaire » de Guillaume Tell. Chanté dans un français parfait, cet air redoutable a fait frissonner d'extase le public, stupéfait par la stabilité et la projection avec lesquelles le ténor surmonte cet Everest, conclu par un magistral contre-ut, mais toutefois sans la cabalette « Amis, amis secondez ma vaillance ».
Quelques romances de Verdi, interprétées avec ce goût naturel et cette élégance qui lui sont propres, débutaient la seconde partie consacrée à l'opéra et accompagnée comme l'ensemble du programme par le jeune et talentueux pianiste José Ramón Martín, jouant avec les sortilèges d'un antique Steinway aux couleurs mates et au toucher profond. Seul ténor de son âge à pouvoir alterner sans ambages l'écriture puccinienne de La Bohème (« Che gelida manina »), fine et soyeuse, avec celle âpre et dramatique de Leoncavallo (« Vesti la giubba » de Paillasse), Kunde a surtout électrisé l'auditoire avec le grand air de Riccardo « Ma se m'e forza perderti » issu du Ballo in maschera, livrant une interprétation subtile, d'une musicalité unique servie par ce phrasé coulé dans le bronze, ce timbre vif, posé sur le souffle et surtout ces effets de forge irrésistibles, prolongés par des aigus infrangibles.
Deux bis concluaient ce moment précieux, deux standards de la chanson américaine, « What a wonderful world !», cher à Louis Armstrong, puis « My way » de Sinatra, choisis pour montrer la fantastique palette d'un ténor hors norme.
François Lesueur
Festival Castell Peralada, église del Carme, 6 août 2016
Photo © gregorykunde.com
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