Journal

​Giovanna d'Arco de Verdi à l'Opéra de Metz – Farouche engagement - Compte-rendu

Pupitres en partie sortis de la fosse, jauge réduite, salle vidée et aérée pendant l'entracte, absence de décors en dur coûteux et peu développement durable, c'est à ce prix que l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole vient de rouvrir ses portes après plusieurs mois de fermeture. Face aux vicissitudes de la crise sanitaire, le lancement d'une saison fait aujourd'hui figure d'exploit collectif qu'il est bon de souligner, à l'heure ou plusieurs maisons ont dû annuler ou reporter leurs spectacles de rentrée (Rouen, Opéra-Comique...). Jamais jouée à Metz, la Giovanna d'Arco verdienne était programmée en juin dernier ; prévue un temps en version semi-concertante, cette production attendue a finalement pu voir le jour, pour le plus grand plaisir du public et de l'ensemble de l'équipe.
 

Par souci d'économie et pour faciliter la réalisation de cet ouvrage, son metteur en scène Paul-Emile Fourny, a choisi de collaborer avec le vidéaste Virgile Koering et l’éclairagiste Patrick Méeüs pour créer une inventive scénographie et habiller chaque tableau : il suffit ainsi d'un éclair pour passer d'une épaisse forêt, au chœur d'une vaste cathédrale, d'un champ de bataille reculé, au village de Domrémy. Volontairement statique, à l'exception de la pucelle mue par d'implacables voix célestes et habitée par la présence de la Vierge Marie et de danseurs dont les allégoriques ballets préfigurent la fin tragique de l'héroïne, la mise en scène colle au propos avec rigueur et sobriété, lisible et plausible jusque dans les libertés assumées par Verdi et son librettiste. Ici pas de procès, ni de bûcher, mais une mort au combat censée rendre plus pure encore le courage et la rédemption de Giovanna. Pour son septième opéra (créé à la Scala en février 1845), le compositeur italien pose les jalons de ce qui deviendra son modèle de prédilection, celui du trio baryton- soprano-ténor avec pour composantes le père, la fille et l'amant que l'on retrouvera à quelques variantes près dans Rigoletto, Traviata ou Luisa Miller.
 
Frêle et résistante, obéissante et transgressive, vierge et amoureuse, la Giovanna d'Arco de Patrizia Ciofi est tout à la fois. Comme toujours farouchement engagée, cette belcantiste née fait son miel de l'étrange écriture verdienne qui mêle tout ensemble l'héritage bellino-donizettien (art du cantabile, usage du spianato, du phrasé archet à la corde et des pianissimi, entre autres), à ces vocalises « di forza » apanage du Rossini serio, que Verdi n'oubliera pas dans ses fameuses cabalettes « risorgimentale » dont il aura le secret. Coloré, retenu, tendu, exalté ou mouillé de larmes, le chant de la soprano même dans les passages les plus exposés et hardiment négociés, tient bon dans les ensembles et surtout les duos avec Carlo VII, traduisant avec la plus grande finesse les différents états de ce mythique personnage, qui trouve un prolongement naturel aux nombreuses Gilda, Violetta et Luisa qui ont jalonné sa magnifique carrière. Une nouvelle corde à son arc !
 
Plus affirmé – et c'est bien normal – qu'à Rouen en 2008 auprès de Guylaine Girard, Jean-François Borras apporte au malheureux Roi de France un timbre désormais riche et mordant à la ligne impeccable qui se marie idéalement à celui de sa comparse. Si physiquement Pierre-Yves Pruvot est un père crédible qui ne craint pas de trahir sa propre fille, la prestation du baryton français est entachée par un vibrato large et un souffle court. Les apparitions de Giovanni Furlanetto (Talbot), Daegweon Choi (Delil) n'appellent aucun commentaire, les chœurs de l'Opéra retrouvant avec un plaisir audible la scène après de longs mois d'absence.
La signature de Roberto Rizzi Brignoli, à la tête de l’Orchestre national de Metz, se reconnaît à sa fougue, son lyrisme, cette touche subtile de romantisme fiévreux et par une sûreté de geste qui assure une excellente mise en place à une œuvre encore trop peu connue.
 
François Lesueur

Verdi : Giovanna d’Arco – Metz, Opéra-Théâtre, 2 octobre ; prochaines représentations les 6 et 8 octobre : opera.metzmetropole.fr/fr/giovanna-d-arco-1_-d.html#.X3rm0mQza3c
 
Photo © Luc Bertau - Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Partager par emailImprimer

Derniers articles