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Gil Shaham et David Zinman avec l’Orchestre de Paris – Deux conteurs – Compte-rendu

Nouée à la fin des années 1980, la relation de Gil Shaham avec l’Orchestre de Paris s’est considérablement renforcée depuis 2010 dans le cadre d’une résidence autour de concertos pour violon des années 30 qui ont souligné la curiosité et l’étendue du répertoire de cet interprète. Avec le Concerto pour violon op. 77 de Brahms, qu’il vient donner sous la direction de David Zinman, la rareté n’était certes pas de mise, mais le bonheur toujours aussi grand de retrouver un pur poète de l’archet.
 

Gil Shaham © DR

Concertare : l’étymologie du mot concerto ne quitte pas un seul instant l’esprit d’un soliste que l’on voit plus souvent tourné vers le chef ou l’orchestre que vers la salle. Concerto, musique de chambre ; pas de véritable distinction entre ces deux genres de la part de Shaham tant le l’amour du dialogue musical illumine son interprétation. Tendresse, lyrisme, émerveillement sont le propre d’un Allegro non troppo amplement respiré avec la complicité d’un Zimman veillant au grain. Simplicité de l’Adagio, fluidité remarquable d’un finale plein de saveur : le sens narratif, l’art de conteur du violoniste tiennent le public en haleine. En bis, un Rondo de Bach semblable à un rayon de soleil.

Les conteurs sont deux ce soir en fait, comme va le prouver Zinman en s’emparant après la pause d’une œuvre qui lui est chère : Le Prince de bois (un Bartók qu’il a déjà dirigé à l’Orchestre de Paris en 2007). La riche orchestration du Hongrois se déploie avec plénitude dans le vaste espace de la Philharmonie, et l’Orchestre de Paris au grand complet – et en grande forme ! – se régale des richesses de ce ballet (chapeau bas à l’harmonie !). La réussite du maestro américain tient à ce qu’il ne « symphonise » toutefois pas trop son approche et ne perd jamais de vue la dimension chorégraphique et le fil narratif d’un ouvrage exigeant. L’attention de l'auditoire, sous le charme, vaut tous les compliments... Et l’entente parfaite du chef avec les musiciens rend impatient de vite retrouver l’une des très grandes baguettes d’aujourd’hui – on n’en a pas toujours suffisamment conscience en France. Grande et si humaine.
 
Alain Cochard

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Paris, Philharmonie I, 3 février 2016

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