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François Dumont – De Mozart au Chant de la terre : un été bien occupé

Agenda bien chargé que celui de François Dumont pour les deux mois qui viennent. Juste après une halte aux Petites Fugues d’Epinal en compagnie du violoniste Hugues Borsarello, on le retrouve dès le 6 juillet au Festival de La Vézère au côté d’une de ses partenaires de musique de chambre favorites : Sayaka Shoji.

 

Sayaka Shoji © Formento + Formento Yellowkorner

Une immense artiste, un vrai partage

« Nous avons joué pour la première fois ensemble il y a une dizaine d’années à peu près, se souvient le pianiste, et nous nous sommes retrouvés régulièrement depuis. Ça a été à chaque fois un moment très fort. Sayaka a une écoute extraordinaire ; elle apprécie ce qu’on donne ; c’est un vrai partage. Mais c’est avant tout une immense artiste et violoniste. Elle possède une sonorité très riche et très sensible, comme une voix – je suis un grand amoureux de voix –, qui émeut profondément. »
Clin d’œil aux célèbres vitraux de la chapelle du Saillant (1), le programme du duo prendra la forme d’un hommage à Chagall avec deux œuvres que les interprètes joueront ensemble pour la première fois : la Sonate KV 378 de Mozart et la Sonate de Ravel, complétées par les Cinq Mélodies de Prokofiev et des transcriptions de pages de Stravinski.
 
L’autre Chant de la terre
 
Amoureux du grand répertoire – on n’oublie pas la très belle intégrale des sonates de Mozart que F. Dumont avait osée à ses débuts il y a une douzaine d’années (2) –, le
pianiste se fait volontiers explorateur d’ouvrages moins fréquentés. Il y a quelques semaines, il a entre autres joué du Alfred Rabuteau (1843-1916) au Palazzetto Bru Zane à Venise et, le 24 juillet à Montpellier, il offrira une autre rareté française au public du Festival de Radio France : le Chant de la terre de Déodat de Séverac, « Poème géorgique » pour piano composé en 1900-1901. « Le Labour, Les Semailles ... : l’œuvre fait référence à des aspects très concrets du travail de la terre, explique F. Dumont, et forme un ensemble très beau, d’un langage assez moderne, qu’il me paraissait intéressant d’inclure dans un programme autour du thème de la Nature et du Cosmos. »
 

© Fabrizio Sansoni

Une création avec e-bow 

À côté de l’ouvrage du compositeur languedocien, le pianiste a placé un choral de Bach/Busoni, mais aussi une création de Sophie Lacaze : Vers les étoiles. Ce triptyque pour piano, précise son dédicataire et bientôt créateur, « est inspiré par des sons transmis par la NASA. Une sorte de « chant des planètes » que la compositrice recrée sur le piano au moyen de diverses techniques, en particulier l’usage de l’e-bow – plus généralement utilisé sur les guitares électriques. » « Un grand défi et une démarche expérimentale » qui, d’évidence, séduit beaucoup F. Dumont. C’est à Liszt que reviendra la conclusion du récital avec les Jeux d’eau à la villa d’Este, Orage et Vallée d’Obermann, trois extraits des Années de pèlerinage où « la nature reflète les états d’âme du compositeur romantique. » 
 
L’évocation de l’été de François Dumont ne serait pas complète si l’on omettait de signaler que le musicien s’y montre aussi sous son visage de directeur artistique, aux Musicales de Côteaux de Gimone dans le Gers (du 7 au 10/07). Une manifestation dont il a pris les rênes il y a quelques années et où on le retrouve cette fois en récital, en duo avec son épouse la soprano Helen Kearns, mais aussi au côté du Quatuor Prazak, pour une édition placée sous le thème « L’Art contre l’adversité ».
Musicales de Mortagne et du Perche (11/07), Saint-Pol-de-Léon (29/07), Oloron-Sainte-Marie (31/07), Nuits Musicales de Corps (3/08), Mendelssohn Musikwoche Wengen (10-15/08), Abbaye de Valcroissant (16/08), Festival  Mi Fa Saulnois (20/08), San Sebastián (24/08), La Chaise-Dieu, avec l’Orchestre national d’Auvergne et Roberto Forés-Veses (25/08), Festival Chopin de Valldemossa (29/08) : en France comme à l’étranger, bien d’autres occasions de retrouver l’artiste se présenteront durant les semaines à venir.
 
Début d’une intégrale Fauré sur piano(s) d’époque
 
Et quel meilleur moment qu’une soirée d’été pour poser sur sa platine une magnifique intégrale des Nocturnes de Gabriel  Fauré. L’actualité de François Dumont se situe de côté-là aussi ; on s’en réjouit tant par la réussite de l’enregistrement sorti il y a peu (chez Piano Classics) (3) que la perspective d’une intégrale de la musique pour piano du maître français sous ses doigts.
 « J’ai abordé Fauré par la musique de chambre, confie l’interprète ; j’ai beaucoup joué la 1ère Sonate pour violon, le Trio, mais aussi les quintettes et les quatuors avec piano, sans oublier les mélodies qui sont absolument sublimes, des partitions qui m’ont donné un accès au langage très complexe de la musique pour piano de Fauré. Un langage en demi-teinte, d’une grande force, mais qui ne s’offre pas immédiatement. »
Un Gaveau de 1922 pour les Nocturnes ? La proposition d’une intégrale Fauré de la part du label Piano Classics est tombée peu ou prou au moment d’un concert Franck-Ravel avec François-Xavier Roth et les Siècles sur un Pleyel fin XIXe en octobre 2018. L’idée d’enregistrer Fauré sur des instruments de son époque a alors commencé de germer dans l’esprit du pianiste – qui ne cache pas sa vive admiration pour la démarche historiquement informée des baroqueux, et pour Harnoncourt en particulier.
 

 
Une musique qu’il faut prendre le temps de distiller

 
Le hasard a ensuite fait les choses. Un jour qu’il était invité dans la série « Connaissance des Jeunes Interprètes » (Lot-et-Garonne) et attendait la livraison du Steinway pour son récital du soir, François Dumont pose les doigts sur un Gaveau récemment restauré sur lequel l’organisateur lui a proposé de s’exercer. «C’est lui qu’il me faut !, me suis-je dit en découvrant un instrument avec beaucoup de profondeur, avec une pénombre aussi, bien plus difficile à trouver sur les pianos modernes, plus lisses, plus définis, qui portent plus mais offrent moins de mystère, moins de flou. Il est très fertile sur plan sonore que de pouvoir interpréter Fauré sur un tel instrument. Mon idée de départ était de réaliser l’ensemble de l’intégrale sur ce même piano, mais autant aller jusqu’au bout de la démarche et faire en sorte que chaque volume ait sa propre identité : j’ai finalement envie de varier les instruments pour la suite. Le deuxième volume, occupé par les Barcarolles, sera vraisemblablement réalisé sur un Pleyel.»

Il faudra faire preuve d’un peu de patience avant pouvoir découvrir ce volume 2 (fin 2022 au plus tôt). «La musique de Fauré est une liqueur qu’il faut prendre le temps de distiller ; elle se révèle avec le temps », confie un interprète dont on aura pu découvrir d'ici là l’enregistrement des Ballades et des Impromptus de Chopin (sur piano moderne, chez La Música), qui sortira à l’occasion d’une récital à la salle Gaveau en avril prochain dans la série de Philippe Maillard
Pour l’heure, plongez sans attendre dans la prégnante poésie des Nocturnes de Fauré par François Dumont !
 
Alain Cochard
(Entretien avec François Dumont réalisé le 17 juin 2021)

 (1) Vitraux qui ont été provisoirement retirés pour restauration, puis présentation à l’exposition Chagall du Centre Pompidou-Metz. Ils seront de retour à la chapelle avant la fin 2021.
 
(2) https://www.concertclassic.com/article/francois-dumont-un-mozartien-est-ne
 
(3) Piano Classics PCL10186
 
Festival de La Vézère (6 /07/2021) : www.festival-vezere.com/concerts/sayaka-shoji-francois-dumont
 
Musicales de Côteaux de Gimone : www.musicalesdescoteaux.fr/
 
Festival de Radio France Montpellier (24/07/21) : lefestival.eu/representation/francois-dumont-piano/
  
Calendrier des concerts de François Dumont : https://www.francoisdumont.com/shows/
 
Photo © Yvan Bernaer

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