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​Franco-Russes de Toulouse – Une 3ème édition en mode streaming

Depuis bien des années, l’Orchestre national du Capitole de Toulouse s’impose comme un irremplaçable tremplin pour de jeunes chefs d’orchestre qui y trouvent l’occasion de faire leurs débuts en France. Après Lahav Shani ou Klaus Mäkelä (entre autres et en se limitant à une période récente), ce fut le cas encore samedi 5 mars pour l’Allemand Thomas Guggeis (27 ans, ancien assistant de Daniel Barenboim et chef au Staatsoper de Stuttgart depuis 2018) dans un programme Wagner-Strauss, admirablement mené, que dont l’on a pu suivre en direct sur les écrans.(1)
 
Thierry d'Argoubet, délégue général de l'Orchestre national de Toulouse © Pierre Beteille

C’est là une nouvelle illustration de l’active politique de captation que l’ONCT développe depuis le jour où, à la toute fin octobre, fut annoncé le second confinement. Tous les orchestres ne sont pas égaux en matière de streaming et ceux qui, bien avant la survenance de la crise sanitaire, ont fait le choix d’une active politique audiovisuelle disposent de précieux atouts en ce moment. A l’instar de l’Orchestre national de Lille, celui du Capitole profite d'une longueur d’avance. « Nous avons pu, explique Thierry d’Argoubet, délégué général de l’ONCT maintenir la plupart des programmes prévus dans la saison 20-21 avec des succès d’audience très encourageants. Nous avons souhaité conserver les concerts pour que l’orchestre puisse travailler et continue à développer son expérience artistique, mais surtout peut-être pour garder un lien avec le public – cela grâce au soutien financier de Toulouse Métropole. Autre point, non moins important à mes yeux : nous tenions à être solidaires de l’éco-système musical français et plus particulièrement des solistes et des chefs qui vivent exclusivement des saisons. »

Crise sanitaire oblige, c’est dans une version allégée et en streaming que se présentent les Franco-Russes 2021. « Nous voulions être présents et faire passer un message, insiste le délégué général de l’ONCT. Lancé en 2019 ce festival, résulte de la coopération de partenaires réunis autour de Tugan Sokhiev, directeur artistique, avec le désir d’imaginer un projet propre à faire dialoguer deux peuples et mettre en lumière le patrimoine artistique de nos deux pays, le tout sous l’égide du Dialogue de Trianon, association créée en juin 2017 par Emmanuel Macron et Vladimir Poutine. »
Côté russe, le Bolchoï  – dont Tugan Sokhiev(photo) est directeur musical depuis 2014  - constitue le protagoniste majeur des Franco-Russes. Les musiciens de l’illustre institution moscovite étaient présents en 2019 à Toulouse ; leur venue fut hélas compromise l’an dernier par le premier confinement – annoncé la veille du jour où leur avion aurait dû décoller ! Ils feront défaut cette année encore, « mais nous espérons qu’ils seront bien là l’an prochain et qu’en parallèle de celles de Toulouse des Franco-Russes se tiendront à Moscou, projet qui reste entièrement à construire pour le moment, note T. d’Argoubet. »

Kirill Karabits © Conrad Cwik

De format réduit donc, les 3èmes Franco-Russes reposent sur l’Orchestre national du Capitole, formation que l’on retrouvera menée par Tugan Sokhiev et par deux de ses collègues. Kirill Karabits ouvrira le ban (le 13 mars) avec un programme Prokofiev (Suite du Lieutenant Kijé, Symphonie n° 5), suivi (le 19 mars) par Maxime Emelyanychev. « Un artiste que nous aimons beaucoup à Toulouse, commente le délégué général, visiblement enthousiaste ; c’est un peu l’anti-Sokhiev mais le résultat est extraordinaire ! ». On pourra en juger dans un programme rassemblant une création de Benjamin Attahir, compositeur toulousain dont la réputation n’est plus à faire, le 2Concerto de Prokofiev sous l’archet d’Aylen Pritchin et Roméo et Juliette de Tchaïkovski.
 

Maxim Emelyanychev © Elena Belova

Le deux derniers programmes reviendront à Tugan Sokhiev ; d’abord un doublé Chostakovitch (le Concerto pour violon n° 2 par Vadim Gluzman, magnifique instrumentiste que Sokhiev et le Capitole ont beaucoup contribué à faire connaître au public français, et la Symphonie n° 5), puis (le 1er avril) un programme réunissant les Offrandes oubliées de Messiaen, le Concerto n° 1 de Liszt avec Bertrand Chamayou, autre toulousain célèbre, et la Symphonie n° 5 de Tchaïkovski, partition que Tugan Sokhiev n’a pas donnée en concert depuis un bon moment dans la ville rose.
Parallèlement à ces rendez-vous symphoniques, on pourra aussi savourer (le 22 mars) une série de transcriptions pour quatuor de clarinettes de pages françaises et russes par les merveilleux souffleurs de l’ONCT. La Cinémathèque de Toulouse, forte de son extraordinaire fonds russe et soviétique, sera pour sa part une fois de plus impliquée dans les Franco-Russes lors d'un ciné-concert au cours duquel le pianiste et compositeur Mathieu Regnault dévoilera la partition qu’il a conçue pour Le Pré de Béjine (1935) d’Eisenstein.
Les passionnés de musique, comme d’histoire, de diplomatie et de littérature prêteront en outre attention à une série de « Grands Entretiens » avec des personnalités telles que Tugan Sokhiev, Laurent Bayle, l’historienne Marie-Pierre Rey, les ambassadeurs Pierre Morel et Alexandre Orlov ou le traducteur André Markowicz, présent grâce à Christian Thorel, directeur d’Ombres Blanches, l’une des plus belles librairies de France.

Enfin l’Académie de direction d’orchestre que l’ONCT a lancée dans la cadre de l’ISAT (Institut Supérieurs des Arts de Toulouse) et qu’anime Sabrié Bekirova (ancienne condisciple de Tugan Sokhiev dans la classe d’Ilia Musin à Saint-Pétersbourg) sera au rendez-vous des Franco-Russes 2021 au cours d’une journée (24 mars) organisée en partenariat avec La Maestra et la Philharmonie de Paris. Preuve des liens qui se sont établis entre le concours de cheffes et l’académie toulousaine, Sabrié Bekirova a pris depuis quelque temps en mains la formation de Gladysmarli Vadel, repérée à La Maestra en septembre dernier, et, d’après le témoignage de T. d’Agoubet, on peut s’attendre à ce que la rencontre entre la fantastique énergie de la jeune Vénézuélienne et l'exigeante rigueur de la tradition transmise par Bekirova produise un résultat pour le moins étonnant. Laissons le temps au temps ...

La patience sera aussi de mise avant de connaître le nom de celui ou celle qui succédera à Tugan Sokhiev. «Le processus est lancé, nous ne sommes pas pressés ; ce processus prendra le temps qu’il faut, une saison, deux saisons, pour qu’émerge la nouvelle perle rare que nous attendons, conclut T. d’Argoubet ».
 
Alain Cochard
(Entretien avec Thierry d’Argoubet réalisé le 5 mars 2021)

(1) Découvir le concert de Thomas Guggeis en replay : www.youtube.com/watch?v=ySuWeWPHsKI&t=2442s
 
3ème Franco-Russes
Du 13 mars au 3 avril 2021 (en streaming direct ou différé)

Programme détaillé : www.lesmusicalesfrancorusses.fr/
 
Photo © Marco Borggreve
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