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Festival d’Auvers-sur-Oise - Bach en ouverture. Une interview de Françoise Lasserre


Bientôt trentenaire, le Festival d’Auvers sur Oise amorce sa 29e édition les 28 et 29 mai avec un week-end tout entier placé sous signe de Bach, puisque l’on y entend l’Ensemble Akadêmia de Françoise Lasserre dans un programme de musique sacrée, aussi bien que le pianiste Jean-Frédéric Neuburger pour un récital mêlant œuvres originales et transcriptions du Cantor. Une ouverture plutôt monothématique donc pour un festival qui ne le sera aucunement par la suite, comme le laisse imaginer le thème « Leipzig/New York… Istambul/Budapest » retenu cette année. Jusqu’au 4 juillet on retrouvera en effet des artistes et ensembles tels que le Quatuor Ebène, Tatjana Vassilieva, L’Orchestre National d’Île-de-France, Claire-Marie Le Guay, Lorent Korcia, l’Ensemble Contrastes, les Berlin Chamber Players, Zoltan Kocis, le Zagreb Guitar trio, Burhan Öçal et l’Ensemble oriental d’Istanbul.

Après avoir beaucoup travaillé sur la musique allemande du 17e siècle Françoise Lasserre va se consacrer assidûment à Bach dans le futur. La parution d’un disque dédié au Cantates BWV 12, 78 et 150 et au Motet BWV 118 (Zig Zag Territoires) en est une preuve. Concertclassic a interrogé la fondatrice et directrice d’Akadêmia sur une orientation qui constitue aussi un aboutissement.

Bach vous occupe beaucoup désormais. Quelles sont les raisons de ce choix et que vous apporte la longue fréquentation de la musique allemande du 17e siècle dans votre approche de la musique du Cantor ?

Françoise Lasserre : « Je savais qu’un jour nous irions vers Bach. Je ne dirai pas c’est pour cela que je me suis intéressée à Schütz et à toute la musique allemande du 17e siècle – car c’est de la musique géniale -, mais ça me semble être la logique pour comprendre Bach différemment de gens qui arrivent directement dans cette musique sans avoir exploré le 17e siècle. Prenons la question d’effectif : quand on vient d’un répertoire où l’effectif soliste est la norme on aborde Bach différemment. On construit un travail sur Bach qui n’a rien à voir avec celui que l’on ferait en commençant par Bach.

Le disque Bach que vous venez d’enregistrer avec Akadêmia comprend trois cantates. Vous n’avez pas effectué ce regroupement selon les critères liturgiques qui guident bien des programmes de cantates. Pourquoi ?

F.L. : Les choix liturgiques ne sont pas très appropriés à mon avis car ils conduisent à rassembler des œuvres qui sont dans les mêmes affects (trois cantates pascales nous plongent trois fois dans la joie, etc.). J’ai cherché une autre façon de faire et j’ai finalement décidé de regrouper trois cantates en choisissant des ouvrages qui emploient une chaconne dans l’un de leurs mouvements. C’est le cas dans le premier mouvement de la Cantate BWV 78 « Jesu, der du meine Seele », dans le premier chœur de la Cantate BWV 12 « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen » et dans le dernier mouvement de la Cantate BWV 150 « Nach dir, Herr, verlanget mich » - dont la paternité fait l’objet de doutes. La présence de la chaconne, mouvement de danse, peut sembler paradoxale dans le contexte de la musique sacrée, mais elle apparaît totalement enrichie, transformée, transcendée par Bach.

En ce qui concerne l’effectif utilisé, quels sont vos choix dans votre enregistrement ?

F.L. : J’ai différencié les trois cantates. Le BWV 12, œuvre de jeunesse écrite à Mülhausen, présente une disposition encore très proche du 17e siècle et appelle une distribution à un chanteur par voix. Dans le BWV 78, œuvre datée des débuts de Bach à Leipzig, nous avons en revanche adopté une distribution à trois par voix, mais avec une disposition – due aux micros de Franck Jaffrès – qui permet d’entendre l’amplification d’une voix soliste par deux autres voix qui l’encadrent.

En ce qui concerne la Cantate BWV 150, je suis incapable de déterminer si elle est de Bach ou pas. Si c’est le cas, elle date d’une période antérieure à celle du BWV 12, peut-être Darmstadt ; c'est-à-dire les tout débuts de l’activité de Bach. On est complètement dans l’esthétique du 17e siècle et je ne me suis donc pas posé la question tant le un par voix s’imposait.

Votre programme à Auvers-sur-Oise sera-t-il identique à celui de votre nouveau disque ?

F.L. : Nous ne le reprenons qu’en partie avec les Cantates BWV 12 et 78 et nous y ajoutons la version la plus connue du Magnificat BWV 243, celle en ré majeur. C’est une œuvre qui fait plaisir au public autant qu’aux musiciens par son caractère contrasté, glorieux à certains moments mais aussi doux et tendre dans d’autres passages.

Ce disque Bach n’est je crois que le début d’une série de projets autour de ce musicien…

F.L. : Nous allons en effet donner en concert, et peut-être enregistrer, la Trauerode (la Cantate BWV 198), une œuvre monumentale, à limite du sacré et du profane. Notre autre grand projet est la Passion selon Saint Matthieu que nous interpréterons un certain nombre de fois en France et Europe.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 13 mai 2009

Festival d’Auvers-sur-Oise

Du 28 mai au 4 juillet 2009

Tél. : 01 30 36 77 77

www.festival-auvers.com

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Photo : DR

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