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Eva Kleinitz, nouvelle directrice de l’Opéra national du Rhin – Les forces vives pour l’ouverture

Le 1er septembre prochain Eva Kleinitz (photo) succédera à Marc Clémeur à la direction générale de l’Opéra national du Rhin – un poste pour la première fois occupé par une femme depuis la naissance de l’institution en 1972. Directrice nommée depuis le 1er avril 2016, elle n’aura donc pas eu une minute à perdre pour concocter la programmation 2017-2018. Riche et inventive, celle-ci a pu surprendre ceux qui s’attendaient à une affiche moins garnie au prétexte d’une période de transition.

Comment s’y est-elle pris ? « J’ai beaucoup travaillé ! », lance dans un éclat de rire cette grande professionnelle de l’Opéra, qui est jusqu'à la fin de la saison encore directrice artistique et vice-présidente de l’Opéra de Stuttgart (après être passée par la Monnaie et le Festival de Bregenz), et occupe depuis 2013 la présidence d’Opera Europa. Avec neuf productions lyriques - 6 nouvelles productions, 3 créations françaises (1) –, l’affiche 2017-2018 montre une réjouissante diversité, oscillant de Manoury (Kein Licht) à Massenet (Werther), de Mozart (Le Nozze) à Zandonai (Francesca da Rimini), de Tchaïkovski (Eugène Onéguine) à Weill (Les Sept Péchés capitaux) ou Howard Moody (Sinbad). Mais la partie Récital gâte aussi le mélomane (Lemieux, Padmore, Beuron, Tézier, etc.), tandis que l’action en direction du jeune public – domaine depuis longtemps essentiel à l’OnR(2)  – témoigne d’une belle ambition et d’initiatives nouvelles ( « Avec mon cous(s)in à l’Opéra »).

Beaucoup de travail en peu de mois donc et un résultat qui s’explique par l’attrait que l’OnR exerce sur E. Kleinitz et la volonté qu’elle a d’emblée manifestée de tirer au maximum parti des forces vives d‘une maison avec laquelle des contacts avaient été établis dès 2015. « J’aime l’Opéra national du Rhin, son histoire, son fonctionnement original sur trois villes (Strasbourg, Colmar, Mulhouse ndr). J’avais une direction, une idée assez précise de ce que je souhaitais faire, restait à la concrétiser en fonction des disponibilités des uns et des autres ». Tout n’aura certes pas été possible, mais le facteur chance a joué s’agissant de l’agenda de certains artistes. Et la directrice a pu constater avec satisfaction combien ceux-ci « ont envie de travailler à l’OnR. »

S’appuyer sur les formidables ressources de l'institution ? L’Opéra Studio (stucture de formation de jeunes chanteurs, installée à Colmar et dirigée par Vincent Monteil) ne pouvait que constituer une pièce maîtresse du projet d’E. Kleinitz, dont l’attention envers les jeunes voix n’est plus à démontrer – l’important travail qu’elle a mené en ce domaine à Stuttgart l’atteste. « L’Opéra Studio apporte une formation pour se confronter à la carrière de chanteur international. Il y a tellement de poids sur un jeune chanteur... » L’implication des pensionnaires de l’Opéra Studio dans la saison prochaine s’illustrera tant par le biais des Midis lyriques que par la participation aux productions – dans des rôles que l’on qualifie de « petits » mais qui s’avèrent très formateurs – aux côtés grands aînés.

© Martin Sigmund

Désireuse de miser au maximum sur les forces de l’OnR, la directrice considère comme parfaitement naturel aussi d’échanger et de travailler avec les différentes institutions culturelles de la Ville, le Théâtre National de Strasbourg entre autres. « Le TNS a un magnifique directeur en la personne de Stanislas Nordey, remarque E. Kleinitz, et tous deux nous apprécions des metteurs en scène tels que Ludovic Lagarde ou Nicolas Stemann. Et je n’oublie pas la remarquable équipe du TNS, avec une Ecole supérieure d’art dramatique que dirige Dominique  Lecoyer. On y forme des acteurs, des metteurs en scène, mais aussi des décorateurs, des costumiers. » Nul besoin de préciser que la création de passerelles entre l’OnR et le TNS est une évidence pour E. Kleinitz.

Essentiel dans les desseins de la directrice, l’ancrage régional va de pair avec une volonté de regarder plus loin, vers l’Europe certes (l’ouverture européenne aura été l’une des caractéristiques de la politique de Marc Clémeur), mais au-delà aussi. Ainsi E. Kleinitz a-t-elle mis en œuvre dès sa première saison « l’idée d’avoir, chaque printemps, un « festival » qui donne un regard hors d’Europe. » Ce sera la mission du festival Arsmondo dont la première édition, consacrée au Japon (3), verra en particulier la création française du Pavillon d’or de Toshiro Mayuzumi (d’après le roman de Mishima), sous la baguette de Paul Daniel – chef pour la première fois invité à l’OnR – et dans une mise en scène d’Amon Miyamoto (7 représentations du 21 mars au 15 avril 2017).

La place de la danse à l’OnR, grâce Centre chorégraphique national/Ballet de l’OnR (installé à Mulhouse, il présente la particularité d’être le seul des 19 CCN a être intégré à un théâtre lyrique), constitue une autre atout pour l’institution alsacienne. Le renouvellement est à l’œuvre ici aussi : Bruno Bouché entame bientôt sa première saison en tant que directeur de ballet et la concomitance de sa nomination avec celle d’Eva Kleinitz favorise de nouvelles initiatives. Regard au-delà de l’Europe une fois encore : un projet autour de chorégraphes israéliens sera présenté en mars-avril prochain. « Israël est un pays qui a un forte personnalité artistique, souligne E. Kleinitz,  on y découvre des langages très intéressants. Je n’ai pas eu une hésitation lorsque Bruno Bouché m’a soumis son projet ; il connaît d’autant mieux la scène chorégraphique israélienne qu’il a eu l’occasion de travailler là-bas. »
Bien des perspectives s’ouvrent donc avec une saison 2017-2018 qui, à n’en pas douter, confirmera la place de premier plan de l’OnR parmi les destinations lyriques régionales françaises.

Pour l’heure, la huitième et dernière saison de Marc Clémeur se referme, sous le signe du vérisme : le célèbre doublé Cavalleria rusticana-Pagliacci occupe l'affiche, sous la direction de Daniele Callegari et dans une mise en scène de Kristian Frédric, avec Stefano La Colla (Turridu/Canio), Géraldine Chauvet ( Santuzza) et Brigitta Kele (Nedda).

Alain Cochard
(Entretien avec Eva Kleinitz réalisé le 27 avril 2017)

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(1) Le Pavillon d’or de Mayuzumi se range à la fois dans le catégorie création française et nouvelle production
(2) L’Opéra national du Rhin et le jeune public : www.concertclassic.com/article/lopera-national-du-rhin-et-le-jeune-public-la-carte-de-lavenir
(3) La programmation complète d’Arsmondo Japon sera dévoilée en janvier 2018
 
 
Mascagni : Cavalleria rusticana / Leoncavallo : Pagliaccci
3, 6, 8, 11, 13, 15 juin (Strasbourg), 23 et 25 juin 2017 (Mulhouse)
Strasbourg – Opéra
Mulhouse – La Filature
www.operanationaldurhin.eu/opera-2016-2017--cavalleria-rusticana-pagliacci-opera-national-du-rhin.html

Saison 2017-2018 de l’Opéra national du Rhin : www.operanationaldurhin.eu/opera-2017-2018.html
 
 
 Photo Eva Kleinitz © Martin Sigmund

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