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Ensemble « Les Tempéraments »  - Mahler en miniature - Compte-rendu


Il y a tout juste deux ans qu’ils se sont constitués, à treize comme une petite équipe de rugby, sous la houlette du jeune chef Yohann Recoules en une formation de chambre à géométrie variable spécialisée dans le répertoire du tournant du XIXe au XXe siècle, autrement dit, du romantisme expirant à la révolution sérielle naissante, du duo à l’orchestre de chambre en passant par le quatuor ou l’octuor, de quoi meubler agréablement une soirée musicale. Surtout si l’on songe qu’ils puisent dans l’âge d’or de la musique viennoise, de Brahms à Schoenberg, comme de Saint-Saëns à Pierné en passant par Debussy, Ravel ou Fauré chez nous.

Car ces jeunes instrumentistes issus des Conservatoires nationaux ne sont pas des débutants, mais appartiennent déjà à d’importantes phalanges parisiennes et ils viennent goûter ici aux joies fraternelles de la musique de chambre, cette haute école de la responsabilité. Ils l’ont démontré dans l’acoustique, certes tourbillonnante, du temple de l’Oratoire du Louvre lors d’une soirée entièrement consacrée à Gustav Mahler dont la musique de chambre n’est pas parvenue jusqu’à nous… mais centenaire oblige ! Il faut voir dans ce choix la preuve d’une témérité juvénile, d’une imagination musicale et d’une authentique curiosité. Car les grandes machines symphoniques fin de siècle ont connu des fortunes diverses dont les moins intéressantes ne sont justement pas ces transcriptions pour effectif léger signées par des collègues de Mahler.

Arnold Schoenberg a ainsi « arrangé » ses Chants du compagnon errant avec un tact qu’on doit lui reconnaître et qui permet à la voix du baryton Vincent Deliau de sortir facilement de l’orchestre. Mais l’essentiel des couleurs instrumentales a été préservé même si presque chaque pupitre est représenté par un seul soliste qui a à cœur de dialoguer avec la voix : c’est là où l’on juge de la belle maîtrise de chacun. « Les Tempéraments » devront se surpasser dans la 4e Symphonie transcrite par Erwin Stein (1885-1958), un élève de Schoenberg, où l’atmosphère champêtre contrebalance les moments de spleen.

Grâce à la virtuosité des musiciens, Yohann Recoules réussit à sauver les oppositions de dynamique et de couleurs originelles. Il n’est pas jusqu’à l’accordéon dont l’accent canaille ne vienne souligner l’inspiration populaire de l’intransigeant directeur de l’Opéra de Vienne. L’Adagio admirablement rendu calme le jeu et prépare les âmes à accéder au paradis du Lied « La vie céleste » qui tient lieu de finale. Le timbre rare de la mezzo Marie Lenormand, distinguée l’an dernier par le prix « Révélation » du Syndicat de la critique, ajoute encore à la magie de cette musique. Même miniaturisé, Gustav Mahler conserve toute sa poésie grâce au tempérament des « Tempéraments » !

Jacques Doucelin

Paris, Oratoire du Louvre, 17 mai 2011

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Photo : DR

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