L’opus ultime de Karl Böhm, qui retourna au studio après avoir convaincu son Impératrice, sa Salomé, sa Chrysothémis, Leonie Rysanek, d’immortaliser son Elektra, qu’elle venait tout juste d’aborder à l’Opéra de Marseille. Le geste économe de Böhm rejoint celui de Strauss, mais un seul frémissement de la baguette, un regard à peine appuyé suffisent à déclencher des maelströms, et la Philharmonie de Vienne sonne ici avec une plénitude aussi capiteuse que dangereuse, littéralement galvanisée par son premier violon Gerhard Hertzel.

On a beaucoup glosé sur la conception de Götz Freidrich : lecture réaliste jusqu’au gore, laideur des images, outrance des maquillages. Le fait est que son palais cloaque évoque plus l’égout qu’une demeure royale, mais l’art de Friedrich est tout entier dans la direction d’acteur, assez prodigieuse, et lorsque cette direction d’acteur rencontre une tragédienne de la dimension d’Astrid Varnay, qui incarne Clytemnestre, on atteint à un point de non retour fascinant. Ligendza et son soprano fulgurant en Chrysothemis, Fischer-Dieskau peut être le plus impressionnant Oreste jamais campé, Hans Beirer, un Tristan !, en Aegisth, et des silhouettes confiées à Josef Greindl ou à Kurt Böhme, on a tout dit..

Un long documentaire (une heure et demie) sur le making off de l’enregistrement audiophonique et du film vous passionnera autant que l’opéra lui même.

Jean-Charles Hoffelé

DVD DG 00440 073 4095