Journal

Doña Francisquita à l’Opéra de Lausanne - La zarzuela internationalement glorifiée - Compte-rendu

Production créée l’an passé au Teatro de la Zarzuela de Madrid puis reprise au Liceo de Barcelone, Doña Francisquita selon Lluís Pasqual fait le voyage à l’Opéra de Lausanne. Cette zarzuela d’Amadeo Vives (1871-1932), parmi les plus célèbres (1), se retrouve pour l’occasion pourvue d’une relecture scénique. Pratique courante dans le monde du théâtre lyrique ! Les dialogues parlés, inhérents très souvent au genre même de la zarzuela, sont ainsi éliminés, remplacés par une narration, en français, d’un récitant (excellent diseur au demeurant, Carlos Henriquez). Le contexte est lui aussi modifié, pour faire défiler au cours des trois actes, une séance de studio d’enregistrement (située en 1934, peu après la création en 1923 de la zarzuela), un plateau de télévision (vers 1964) et enfin une répétition générale du spectacle (de nos jours). Avec des décors et costumes afférents (signés Alejandro Andújar), autour d’un plateau nu parsemé de chaises et des vêtures d’aujourd’hui ou d’époque de l’action (au XIXe siècle, selon le livret), parfois au devant d’une projection cinématographique (d’extraits du film Doña Francisquita tourné en 1934 par Hans Behrendt – rançon du succès de la pièce).
On conçoit la difficulté de dialogues en espagnol pour un public francophone. Et de ce point de vue, cette adaptation paraît bien venue. Si ce n’est que se perd un peu la trame de l’histoire, celle d’amours contrariées comme il se doit (inspirée d’un classique du théâtre espagnol de Lope de Vega) ; mais hélas ! et surtout, disparaît l’atmosphère qui fait tout le charme de l’œuvre : tableau de mœurs d’un Madrid populaire avec sa kyrielle d’archétypes prolétaires hauts en couleur. Ce serait l’aspect frustrant de cette production, quand bien même le talent de ce metteur en scène reconnu qu’est Lluís Pasqual éclate dans la précision des mouvements et des situations.
 

© Alain HumeroseO
 
La musique, quant à elle, demeure intégralement restituée à travers le découpage des numéros tels que prévus par la partition. L’essentiel, finalement. Se retrouvent ainsi la complexité des scènes de foule et des chants entrecroisés, l’inspiration mélodique étreignante (comme dans la fameuse romanza de Fernando, le héros masculin), la délicatesse et l’élan de l’orchestration. Le tout, à Lausanne, servi par des forces musicales des plus adaptées.
 
La distribution vocale, quasi entièrement hispanophone, revient à un plateau largement renouvelé par rapport aux précédentes représentations de Madrid et Barcelone. Seul Ismael Jordi subsiste de la distribution d’origine, ténor au métier sûr pour un Fernando pleinement lancé. Leonor Bonilla lui donne une fière réplique, Francisquita de beau volume et d’incarnation vivement expressive. Florencia Machado (Aurora, la rivale de Francisquita), Milagros Martín (Francisca, mère de Francisquita), Miguel Sola (Matías, le barbon de circonstance) ou Pablo García López (Cardona, l’ami de Fernando) complètent un sans-faute vocal chacun dans leurs interventions particulières. S’ajoute une participation de tous parfaitement dosée dans les nombreux et variés ensembles.
 
Le chœur, celui de l’Opéra de Lausanne, témoigne d’un juste à-propos dans ses fréquentes et entremêlées apparitions, avec de surcroît une impeccable élocution espagnole (redevable assurément au chef de chœur venu d’Espagne, Jordi Blanch Tordera). L’Orchestre de chambre de Lausanne répond sans faillir à la battue claire et enlevée de Roberto Forés Veses (actuel directeur musical de l’Orchestre d’Auvergne). Notons la chorégraphie façon flamenco, due à une pointure du genre, Nuria Castejón, ardemment ponctuée par les talons d’une troupe de danseurs éprouvés. Puisque flamenco et castagnettes (non prévus par la partition) s’imposent, faut-il croire, pour la couleur locale obligée d’une espagnolade d’exportation.
 
Pierre-René Serna

(1) Voir notre présentation de l’œuvre :
www.concertclassic.com/article/dona-francisquita-damadeo-vives-la-zarzuela-conquerante
 
Amadeo Vives : Doña Francisquita – Opéra de Lausanne, 26 janvier. Prochaines représentations : 29, 31 janvier et 2 février 2020 // www.opera-lausanne.ch/show/dona-francisquita/
 
 
Photo © Alain HumeroseO

Partager par emailImprimer

Derniers articles