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Don Giovanni à l’Opéra de Genève – Distribution de haut vol pour un spectacle pâlichon – Compte-rendu
Qu'a voulu dire David Bösch en s'attaquant à Don Giovanni ? Qu'a-t-il eu envie de démontrer, de souligner, de mettre en avant qui n'ait été révélé avant lui ? Difficile de le savoir tant son nouveau spectacle présenté à Genève jusqu’au 17 juin paraît improvisé, sans qu'aucune ligne directrice ne se dégage ?
Le décor unique (signé Falko Hérold), celui d’un théâtre perdu dans la campagne, mangé par les roseaux, est une belle idée de départ, mais qu'elle est son utilité, sa raison d'être s'il n'est là que pour ses qualités visuelles et esthétiques ? Envahi par quantité d'accessoires, cet espace perd de sa magie pour accompagner les déambulations de silhouettes qui évoluent sans but précis et ne se télescopent que parce qu'on les y a invitées.
© Carole Parodi - GTG
Pas de psychologie, mais des caractères qui jouent la surprise, réagissent de manière impulsive, sans parcours, ni évolution sensible, justes bon à simuler grossièrement l'appétit de vivre (Don Giovanni), l'hystérie (Donna Anna), la niaiserie (Ottavio), ou l'abandon de tous repères (Elvira). L'insolence, l'audace et les transgressions contenues dans l'œuvre se résument ici à quelques clichés, tout ceux qui croisent Don Giovanni veulent tuer ou se tuer, quelques accessoires (polaroids, rails de coke, revolver, agrafeuse utilisée comme un revolver...), quelques facilités (ces chorégraphies désuètes répétées par Don Giovanni, les costumes qui mélangent les époques) et surtout quelques idées douteuses (les cendres du Commandeur plusieurs fois lancées par poignées hors de leur urne). Le résultat est donc mitigé, le spectacle étant sauvé par la direction musicale et la distribution de haut vol qui laissent clairement voir des interprètes jouant le jeu sans y croire, mais sans risquer non plus de compromettre le fragile équilibre de l'édifice.
Stefan Soltesz n'est pas un novice et dirige la partition - version de Prague délestée du 1er air d'Ottavio, du duo Leporello/Zerlina et du second d'Elvira – avec des idées précises en termes de narration, d'enchaînements et de tempo. Sa lecture évite ainsi toute pesanteur et privilégie la clarté des lignes et la fluidité du discours auxquelles répond un Orchestre de la Suisse Romande discipliné.
D'une absolue décontraction, Simon Keenlyside, qui chante le rôle depuis si longtemps, tient toujours son rang, avec un Don Giovanni qui n'en finit pas de brûler ses dernières cartouches avec un sourire juvénile, mais comment ne pas regretter qu'une telle personnalité ne soit pas mieux dirigée quand on perçoit chez ce baryton à la voix intacte, des moments d'absence ou d'égarements qui révèlent une certaine lassitude face à tant d'incompétence.
La constatation est assez similaire chez Patrizia Ciofi, qui connaît son Anna sur le bout des doigts et se voit ici contrainte d'en brosser un profil assez schématique : alternant moment d'abattement et moment d'hystérie, son héroïne oscille entre la garce (façon Bette Davis) et la dépressive (alla Joan Fontaine chez Hitchcock), sans que les motivations ou les raisons de tels atermoiements aient été clairement définis. Fort heureusement la voix de la soprano italienne, reposée et reconquise a-t-on envie d'écrire, atteint une telle plénitude, que son interprétation s'en trouve transcendée, plus électrique et vibrante encore qu'à Monte-Carlo en mars 2015. Projection enflammée, cantabile fuselé, aigu ample et tranchant, vocalises mordantes, ceux qui doutaient de son avenir peuvent être rassurés : La Ciofi est au meilleur de sa condition et a encore de belles années devant elle !
Myrto Papatanasiu n'est pas en reste, Donna Elvira vaillante qui s'attache elle aussi à habiter son personnage et à l'étoffer scéniquement pour qu'il ne sombre pas dans la platitude ou semble avoir voulu l’enfermer Bösch. Fortement enrhumé, Ramon Vargas a suffisamment de métier pour sauver les meubles sur le plan vocal, mais se contente d'un service minimum sur le plan théâtral. Peu connu en France, David Stout est un Leporello complet, chanteur assurément doué et acteur débordant d'énergie qui parvient à faire exister son valet malgré des propositions parfois scabreuses ou sans intérêt. Jeunes et forcément moins expérimentés que leurs partenaires, Mary Feminear et Michael Adams essaient par tous les moyens d'investir leurs personnages (Zerlina et Masetto) qu'ils chantent avec ardeur ; le baryton a-t-il cependant raison d'inscrire ce rôle à son répertoire, tout comme Thorsten Grümbel, Commandeur aux graves un peu clairs ?
François Lesueur
Mozart : Don Giovanni - Genève, Opéra des Nations, 1er juin ; prochaines représentations les 8, 11, 13, 15 et 17 juin 2018 / www.geneveopera.ch/programmation/saison-17-18/don-giovanni/
Photo © Carole Parodi
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