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Don Giovanni au Festival de Saint-Céré - Quoi de neuf ? Don Juan ! - Compte-rendu

N’en a-t-on pas vu pour relooker et lifter ce bon vieux Don Juan, burlador de Séville et grand amoureux devant l’Eternel ! En trader de Manhattan à la Bastille avec une Zerline en technicienne de grande surface pas piquée des hannetons (ça n’amuse que les snobs), en Noir de Brooklyn avec son jumeau Leporello pour mieux séduire les ghettos américains par un Peter Sellars inspiré. Pour la nouvelle édition du Festival de Saint-Céré, Eric Pérez, fort de sa longue expérience avec les jeunes chanteurs, refuse de faire les pieds au mur et décide de se rapprocher du public du XXIe siècle pour mieux emporter son adhésion. Ainsi son Don Juan n’est pas modernisé pour faire « actuel », mais pour se mettre au diapason de la sensibilité présente.

Eric Pérez ne lésine pas sur les moyens : il y va franco. Comme les surtitrages ne sont prévus ni dans la forteresse de Castelnau, ni dans la fruste Halle des sports où une violente tornade a contraint artistes et public à se réfugier, les récitatifs en feront office : raccourcis et traduits en français ils donnent à l’ensemble un côté opéra-comique. Et, ô surprise, cela marche ! Un vrai miracle que seuls permettent la qualité des chanteurs, leur engagement scénique et le travail millimétré effectué en amont par le metteur en scène et son parfait complice le chef Dominique Trottein qui connaît son Mozart sur le bout des doigts.

A ceux qui feraient la fine bouche, il faut rappeler que Mozart, son fidèle Da Ponte et leur collaborateur occasionnel Casanova ont travaillé à Prague dans la précipitation sur un coin de table pour ficeler le livret de ce nouveau Don Juan qui doit beaucoup – des scènes entières texte et musique compris ! - à un certain Gavazzeni dont le « Don Giovanni » avait triomphé à Vienne quatre mois auparavant : la musique de Mozart a apporté la touche de génie à l’ensemble. N’empêche que rien n’est fixé et qu’il existe deux versions différentes (Prague et Vienne). Alors que Pérez déplace le premier air de Don Ottavio juste après le meurtre du Commandeur dont il fermera les yeux pour mieux s’affirmer comme son gendre… encore qu’il semble bien que Don Juan lui ait brûlé la politesse, c’est une vraie trouvaille.

Et Dieu sait si la soirée en fourmille, comme le fameux « Mille e tre » où le catalogue est remplacé par un empilement de vêtements pourpres que Leporello décroche de la penderie qui tient lieu de fond de scène. Quatre couleurs dominent en rythmant la soirée : le rouge du sang répandu par le viol et le poignard, le blanc des âmes pures, l’or du pouvoir du Commandeur et le noir à partir de la scène du cimetière. Après s’être empêtré dans le voile de mariée de Zerline à la fin du premier acte, c’est le grand voile rouge que le Commandeur jette sur ses épaules comme les flammes de l’enfer qui lui sera fatal.

Tout cela fonctionne à merveille grâce à une distribution d’une rare homogénéité. Le Don Juan de Christophe Gay est d’une incroyable présence scénique marchant à la mort la fleur au poignard, talonné par un fabuleux Leporello chinois, Xiaohan Zhaï, dont vous n’avez pas fini d’entendre parler. Les trois dames (Marlène Assayag, Carol Garcia et Marion Tassou) sont parfaitement à leur place, panache en plus. Julien Fanthou (Masetto), David Ghilardi (Ottavio), et Jean-Loup Pagésy (le Commandeur) sont au diapason.

Jacques Doucelin

Mozart : Don Juan – Festival de Saint-Céré, 6 août, prochaines représentations les 8, 10, 13 et 15 août 2013 / www.festival-saint-cere.com

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Photo : DR
 

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