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Dialogues des Carmélites à l’Opéra de Bordeaux - Empathie et humanité - Compte-rendu
Dans ses Dialogues des Carmélites (1957), Francis Poulenc a réussi à mêler un sentiment religieux personnel très prégnant à une histoire individuelle et collective d’une puissance évocatrice bouleversante. Au Grand Théâtre de Bordeaux – qui fête avec cette œuvre, après l’Opéra de Toulon, le Cinquantenaire de la mort du compositeur –, la mise en scène confiée à Mireille Delunsch ne connaît pas de temps mort, témoignant d’une empathie avec des personnages aux sentiments souvent complexes. Tout en préservant le caractère intimiste de l’œuvre (les deux premiers actes), le réalisme et le martyre sont rendus avec beaucoup d’efficacité dans des décors et costumes épurés de Rudy Sabounghi. Derrière un rideau de cierges protecteurs, se déroulent des tableaux aux couleurs caravagesques entre ombre et lumière où la dimension historique (la Terreur révolutionnaire, les scènes privées entre les Carmélites) contraste avec la spiritualité réduite à quelques touches jansénistes d’une pureté évocatrice dans les moments forts.
Soprano lyrique au souffle long, Sophie Marin-Degor incarne le personnage de Blanche de la Force, dont l’angoisse existentielle est exprimée avec beaucoup de noblesse, confirmant la compréhension d’un rôle déjà expérimenté en 2010 au Grand Théâtre de Tours. La Mère Marie de Géraldine Chauvet est tourmentée, avec un aigu assuré. Hélène Le Corre en Sœur Constance possède toute la fragilité requise sans pour autant atteindre in fine la dimension d’élévation et de grâce immaculée. Cécile Perrin, la nouvelle Prieure, chant puissant mais instable, n’est pas ce beau soprano lumineux que l’on attend. Crédible sur le plan vocal, Sylvie Brunet, en Prieure du Carmel agonisante, charge à l’excès les spasmes de l’agonie sur une table couverte d’un drap blanc au moment des contorsions de la mort. Les hommes, dans ce huis-clos féminin, sont évidemment en retrait. Pourtant, le marquis de la Force de Jean-Manuel Candenot se montre tout à fait à sa place, et on notera l’excellente caractérisation d’Eric Huchet en Aumônier. Xavier Mas campe un chevalier de la Force sans affectation et d’une grande humanité.
Dans la fosse, la direction du chef égyptien Nader Abassi (actuel directeur artistique de l’Opéra du Caire), s’avère bien envahissante avec une propension à couvrir des chanteurs pourtant exemplaires sur le plan de l’articulation et de la diction. Dans ces conditions l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine n’apparaît pas sous son meilleur jour (cuivres tonitruants et souvent imprécis), ce qui empêche de profiter pleinement d’un spectacle dont les qualités théâtrales et vocales méritaient mieux.
Michel Le Naour
Poulenc : Dialogues des Carmélites - Bordeaux, Grand Théâtre, 10 février, prochaines représentations les 12, 14 et 16 février 2013
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Photo : Frédéric Desmesure
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