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Dialogues des Carmélites au Théâtre du Capitole de Toulouse – Dialogues de sourds – Compte-rendu

Revoir un spectacle que l’on a profondément aimé n’est jamais sans risque, surtout sur un autre plateau et dans une distribution entièrement renouvelée. Après avoir triomphé à Paris et à Bruxelles, les merveilleux Dialogues des Carmélites de Poulenc, embrasés par Olivier Py, ont fait pâle figure à Toulouse. Faute de place suffisante, la lourde machinerie scénique imaginée par ce diable de Pierre-André Weitz, si probante à Paris (1), perd ici toute sa magie et montre les lacunes d’une équipe technique débordée. La fluidité n’est donc pas au rendez-vous et les tableaux s’enchaînent sans grâce et sans l’effet de surprise voulu.
 

Anaïs Constans (Blanche de la Force), Janina Baechle (Madame de Croissy) © Patrice Nin

Remontée sans conviction, la mise en scène ne conserve que sporadiquement sa force et sa sobre beauté, à l’exception de la scène finale qui demeure le clou de la représentation. Si la distribution avait été du même niveau qu’à Bruxelles et à Paris (entre 2013 et 2018), le choc aurait sans doute été moins rude, mais là encore notre déception est à la hauteur de nos attentes. La calamiteuse prestation de Janina Baechle en Madame de Croissy, à bout de voix, de timbre et d’expression, transforme ainsi l’une des plus belles scènes de toute l’histoire de l’opéra – celle de l’agonie de la Prieure – en un interminable pensum, que d’aucuns auraient rêvé de voir coupé ; un comble quand on y a été bouleversé par Rosalind Plowright et Anne-Sophie von Otter à Paris, sans parler de Sylvie Brunet, sans équivalent dans le rôle depuis sa créatrice Denise Scharley et Régine Crespin, unique à la fin de sa carrière.
Catherine Hunold ne démérite pas en Mme Lidoine, abordée à Avignon en janvier 2018, mais succéder Véronique Gens n’est pas simple, surtout quand il faut retrouver cette dignité et cette humanité qu’elle a su apporter. D’abord un peu extérieure, Anaïk Morel met plus de temps que Sophie Koch à faire exister Mère Marie, avant de trouver ses marques et de laisser poindre l’émotion. Jodie Devos tient quant à elle aisément la comparaison avec Sabine Devieilhe, Anne-Catherine Gillet ou Sandrine Piau, par la fraicheur, l’éclat et la spontanéité qu’elle sait insuffler à Sœur Constance.
 

T. Bettinger (Le Chevalier de la Force), A. Constans (Blanche de la Force), J.-F. Lapointe (Le Marquis) © Patrice Nin

Chez les hommes Jean-François Lapointe (le Marquis) et Thomas Bettinger (Le Chevalier) sont excellents et dominent les seconds rôles dont on retiendra surtout celui de l’Aumônier, tenu par Vincent Ordonneau. Peu aidée par Jean-François Verdier qui baisse rapidement les bras et dirige sans y croire une partition qui le dépasse, Anaïs Constans contrairement à la fabuleuse Patricia Petibon, n’incarne pas Blanche, tout au plus essaie-t-elle de s’en approcher. La voix a pourtant de la chair, le matériau de la ressource, mais la détresse, la fragilité et cette maladive incapacité à vivre, sont absentes d’une lecture froide et trop uniformément distante.
 
François Lesueur
 

(1) Et sur le DVD paru chez Erato
 
 
Poulenc : Dialogues des Carmélites  – Théâtre du Capitole de Toulouse, 24 novembre ; prochaines représentations les 26 et 29 novembre 2019 // www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/5755175
 
Photo : Anaïk Morel (Mère Marie de l'Incarnation), Catherine Hunold (Madame Lidoine) © Patrice Nin

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