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De Vivaldi à Matteis - Une interview d’Amandine Beyer, violoniste
Tandis qu’elle vient de signer un superbe enregistrement Matteis(1), Amandine Beyer se produit dans le cadre du Festival d’Île-de-France, samedi 26 septembre au Théâtre de Fontainebleau, avec son Ensemble Gli Incogniti et la soprano Maria Espada.
Comme avez-vous conçu le programme Vivaldi, intitulé « Les filles de la Pieta », que vous interpréterez à Fontainebleau ?
Amandine Beyer : Il est toujours difficile de faire un programme avec les Quatre Saisons car c’est une œuvre très forte et assez longue, très prenante. Il faut penser au public tout comme aux musiciens et voir comment l’on peut équilibrer les choses. A Fontainebleau nous avons choisi de partager le programme entre les Saisons et le Concerto pour deux violons et violoncelle en sol mineur RV 578a d’une part et de la musique vocale de l’autre pour créer le contraste entre des œuvres pour violon solo et d’autres pour voix solo – les Motets «Nulla in mondo pax » et « In Furore » en l’occurrence – et montrer le génie vivaldien sous deux visages. On trouve des aspects communs aux pièces instrumentales et vocales, mais d’autres apparaissent vraiment typiques de la voix, en particulier des mouvements lents très expressifs où l’on savoure le bel canto italien dans toute sa splendeur. En revanche un mouvement tel que le premier épisode du Motet « In furore » peut être rapproché du final de L’Eté. Quant au Concerto pour deux violons et violoncelle en sol mineur, c’est une partition qui servait déjà de complément au Saisons dans notre disque Vivaldi et que j’avais découverte grâce à Olivier Fourès, musicologue spécialiste de Vivaldi. Ses recherches ont révélé que le dernier mouvement (une gigue) de l’ouvrage était un inédit. J’aime cette musique pour ses harmonies un peu rudes et ses rythmes abrupts.
Pourquoi avoir choisi Maria Espada pour les deux motets ?
A. B. : Je connais Maria depuis quelques années pour avoir fait des programmes baroques avec elle dans l’Ensemble El Ayre español. Nous sommes retrouvées cet été pour interpréter la musique de Vivaldi et… ça lui va comme un gant ! C’est une très grande voix. J’aime l’opéra, mais d’une manière générale, dans la musique baroque, je ne suis pas fascinée par des voix très amples. Mais Maria parvient à canaliser sa puissance pour l’expression baroque ; elle sait obtenir une ligne très pure et contrôle parfaitement son vibrato. Sa finesse de phrasé me séduit énormément !
Après le célèbre Vivaldi, vous venez d’aborder au disque un compositeur très rare : Nicola Matteis (vers 1650-vers 1700). Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cet auteur et les raisons pour lesquelles vous avez décidé de l’enregistrer ?
A. B. : Matteis est un musicien surtout connu des violonistes baroques. Mon premier contact avec lui à eu lieu à la Schola Cantorum de Bâle lorsque j’y étudiais avec Chiara Banchini. J’ai travaillé à cette époque le Passaggio rotto, pièce intéressante aussi bien musicalement que techniquement – elle fait appel à beaucoup de choses brisées : écriture arpégée, arrêts, modulations abruptes, inattendues. Un morceau pour violon seul au XVIIe siècle est une chose plutôt rare – on connaît surtout la Passacaille de Biber – et ce Passaggio rotto est très connu pour cette raison. Mais c’est un peu aussi l’arbre qui cache la forêt et j’ai eu envie de me plonger dans le reste de la production de Matteis. On possède de lui quatre livres, regroupés en deux recueils d’Ayres for the violin. Il s’agit en fait d’une kyrielle de petites pièces, pas vraiment classées, ce qui laisse à l’interprète la possibilité de composer « sa » suite. C’est là une chose très séduisante; un peu comme des ingrédients alimentaires avec lesquels il inventerait son propre menu. Matteis avait la réputation de n’en faire qu’à sa tête ; il aimait surprendre, déranger.
A propos de déranger, les harmonies de Matteis sont parfois assez surprenantes…
A. B. : C’est vrai, il s’agit d’une musique facile d’écoute, très immédiate et en même temps avec des choses complètement folles. Je pense qu’elles tiennent à la fois à la personnalité bouillonnante du musicien et à sa façon de composer. Le contrepoint n’est pas vraiment « son truc ». Il pense d’une part à la ligne mélodique et de l’autre à celle de la basse. Deux lignes superbes mais dont la rencontre provoque des frottements, des cassures. Il s’agit à mon avis – mais des musicologues soutiendront peut-être le contraire – non de choses voulues par le compositeur mais de rencontres fortuites entre la basse et la voix de dessus qui créent une ambiance très spéciale et donnent tout son piment à la musique.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 8 septembre 2009
(1) Nicola Matteis : « False consonances of Melancholy », Ayres for the violin / 1 CD Zig Zag Territoires (ZZT 090802)
Concert le 26 septembre
Théâtre de Fontainebleau – 20h45
Festival d’Île-de-France
www.festival-idf.fr
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Photo : DR
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