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Cosi fan tutte au Palais Garnier - L’homme en noir - Compte rendu


Le joli Cosi fan tutte vénitien d’Ezio Toffolutti hante le Palais Garnier depuis 1996, avec ses toiles peintes, son théâtre bien senti, sa simplicité. Trop simple peut-être depuis qu’on a vu in loco la proposition bien plus inquiète de Patrice Chéreau. Mais au fond pourquoi bouder son plaisir ? Le spectacle se voit toujours avec délice, même si l’écho musical qu’il rend aujourd’hui est loin de retrouver la magie vocale qu’y distillaient jadis, entre autres la regrettée Suzanne Chilcott et le fringant Simon Keenlyside.

D’ailleurs regardez bien : c’est, au côté de la Despina parfaite – mais de pure comédie - d’Anne-Catherine Gillet, William Shimell, Don Alfonso alors et aujourd’hui, qui tire le mieux son épingle du jeu. Longtemps Don Giovanni, son baryton-basse mordant qui parle avec art, dévoile tout d’un personnage et pas seulement son cynisme ; le portrait est aussi admirable que l’artiste averti et l’homme en noir qu’il campe avec aplomb donne à tout ce qu’il chante de la hauteur. Pour lui, et pour Gillet décidément irrésistible, on devra courir à cette reprise.
Pour les autres c’est moins certains. D’abord car l’ensemble Mozart qu’exige Cosi fan tutte, timbres appariés, art de la grande manière partagé en premier lieu, n’y est pas du tout. Cette distribution là où les quatre amants sont bien trop verts, fait regretter le miel et les cendres qu’ici même et sous la régie de Ponnelle, Margaret Price, Jane Berbié, Ryland Davies et Tom Krause y mettaient avec une vitalité et une évidence inoubliées.

La Fiordiligi d’Elza van den Heever montre une grande voix, beaucoup de technique et autant d’art que de goût, mais son timbre est tout à fait hexogène à Mozart. Karine Deshayes tente un belle Dorabella, mais n’y va ni au bout de sa voix, ni assez loin dans ses moyens de comédienne, et paraît au bout du compte en retrait sur tous les fronts. Le timbre étriqué et nasal de Matthew Polenzani défigure Ferrando là encore malgré l’art incontestable du chanteur, quant au Guglielmo de Paulo Szot il est bien raide.

Péché majeur dans la fosse : Philippe Jordan soigne son orchestre mais l’éteint, rappelant que décidément Mozart n’est pas l’affaire des musiciens de la Grande Boutique. L’action se traîne, l’esprit s’envole, le compositeur pleure sa comédie.

Jean-Charles Hoffelé

Mozart : Cosi fan Tutte – Paris, Palais Garnier, Paris, le 16 juin, puis les 20, 24, 28 juin et les 2, 4, 7, 10, 13 et 16 juillet 2011. www.operadeparis.fr

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Photo : Agathe Poupeney/ Opéra national de Paris

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