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Compte-rendu : Travail d’orfèvre - Mariss Jansons et le Concertgebouw d’Amsterdam

La tradition mahlérienne du Concertgebouw d’Amsterdam n’est plus à démontrer : avant Mariss Jansons, d’autres chefs de prestige (Mengelberg, Haitink, Chailly…) ont fait la réputation de cet orchestre plus que centenaire. La Symphonie n°2 « Résurrection » peut appeler débordement, éclat et conception spectaculaire si l’on n’y prend garde (en particulier dans la vision apocalyptique du final avec voix de femmes et chœur). C’est mal connaître la retenue et la pudeur dont fait preuve Jansons. Avec un orchestre qui répond à la moindre de ses sollicitations, il bâtit une grande fresque sonore et sa vision cosmique est élaborée dans la nuance avec un soin mis au service du moindre détail de la partition. Le déchaînement ne survient qu’au terme d’un parcours savamment agencé et, si l’on peut dire, orchestré.

Respectueux des indications de Mahler (y compris durant les cinq minutes de pause réclamées par le compositeur à la fin du premier mouvement), il ne perd jamais de vue la progression de l’œuvre malgré une démarche assez analytique. L’Allegro initial, volontiers tranchant et sans pathos, conduit à un Andante moderato voluptueux et modéré bien qu’assez peu viennois dans le ländler central. Le Scherzo, fantastique à souhait, s’avère proche de l’esprit de Chostakovitch par son caractère intraitable et obsessionnel. Le court Urlicht lui succède, soutenu par la voix sensible, lumineuse et légère de la mezzo-soprano Bernarda Fink.

Le drame jaillit dans le souffle contrôlé du final et les Chœurs de Radio-France, superbement préparés par Matthias Brauer, participent activement à la réussite de l’interprétation. L’équilibre obtenu par la fusion de chaque instrumentiste dans une conception d’ensemble, l’immersion des voix de Ricarda Merbeth et de Bernarda Fink dans la masse orchestrale et chorale élèvent cette partition démesurée à un niveau de perfection rarement atteint auquel ne manque que ce soupçon d’humanité présent chez Bruno Walter, Rafael Kubelik, Leonard Bernstein ou Vaclav Neumann.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 17 décembre 2009

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Photo : DR
 

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