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Compte-rendu : Sur le volcan… Michel Tabachnik et Bertrand Chamayou à l’Orchestre de Paris
Les caprices croisés des entrailles de la terre et de la météo ont amené Michel Tabachnik a anticiper sa rentrée à la tête d’une des grandes formations symphoniques parisiennes. L’Orchestre de Paris ne s’est pas trompé en tout cas en lui demandant de se substituer à Yutaka Sado bloqué à Tokyo par le nuage craché par le volcan islandais. Le chef japonais avait, en effet, proposé un passionnant programme de musique allant de 1886 à 1916 que Tabachnik a repris à la volée avec autant de courage que de maîtrise. Car on peut dire sans trop de risque que, mis à part Le Sacre du printemps que ce féru de musique contemporaine connaît par cœur, toute la première partie de la soirée entrait à son répertoire…
Et tout d’abord, le coup de chapeau introductif à Erik Satie et à sa Parade pétaradante à souhait avec ce mélange savoureux de fanfares de cirque et d’innovations incongrues comme la machine à écrire ou la sirène de New York qui précède de cinq années celle des Amériques d’Edgar Varèse. Le chef sut y concilier distance et sensualité, ce qui dut plaire à Pierre Boulez, son maître notamment à Darmstadt présent au concert. Les violons firent joliment entendre la patte de Debussy dans l’orchestration des Gymnopédies 1 et 3 avant le débraillé cuivré de Darius Milhaud dans un Jack in the Box peut-être un peu sage eu égard au propos de Satie.
Autre humour et autre sonorité avec la vétilleuse Burlesque de Richard Strauss qui clôt la première partie de la soirée. Il faut toute l’expérience et l’énergie du chef pour mener au succès un Orchestre de Paris décidément en très grande forme en ce printemps. Sans doute, Yutaka Sado aurait-il osé ici une folie qu’on ne peut qu’imaginer sous la battue suisse et rigoureuse de celui qui le remplace. Du moins, celui-ci offrit-il un cadre strict et souple à la fois au jeune pianiste français Bertrand Chamayou qui sortit victorieux d’une écriture constamment virtuose.
Certains pourront lui reprocher de trop dialoguer avec l’orchestre, mais on sent une réserve rassurante dans ce jeu qui ne renonce jamais à une parfaite musicalité. Et chacun s’est félicité que dans un geste de générosité rare le chef ait littéralement rassis Bertrand Chamayou sur son tabouret pour le contraindre à donner le bis exigé par le public ! Cela nous valut un double hommage à Chopin et à Liszt qui établit définitivement la stature du jeune soliste.
Comme on pouvait s’y attendre, le Stravinski du… volcanique Sacre du Printemps révéla quel maître Tabachnik est devenu à soixante-huit ans : l’intelligence de la partition n’a d’égale que la science de l’orchestre et le sens de la couleur et des rythmes. Certes, l’Orchestre de Paris est au mieux de sa forme, mais le chef ne le lâche pas, ne manquant pas une entrée de pupitres. Il réussit à imposer ainsi sa vision chorégraphique d’une partition que plus d’un a détourné à son profit…
Jacques Doucelin
Paris, salle Pleyel, 21 avril 2010
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Photo : DR
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