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Compte-rendu : Salomé de poche - Opéra Bastille

Lev Dodin est revenu régler sa Salomé. Il le devait au moins pour l’Hérode finement joué de Thomas Moser, qui tourne le dos à toute outrance et fait oublier les hallucinations de Chris Merritt pour rendre justice à un personnage composé avec l’art qu’il y mettait déjà au Capitole de Toulouse (où Pet Halmen le faisait déshabiller par Salomé durant les Sept voiles). Mais celui qui fut hier un Tristan ne passe plus la rampe de Bastille, chantant pour les premiers rangs.

C’est le danger qu’encourt une bonne part du cast, et surtout la Salomé de Camilla Nylund, toujours au maximum de sa voix dont on voit la trame d’autant qu’elle est pauvre en harmoniques. Mais le caractère est là, femme (dans le désir) autant qu’enfant (dans le caprice). Pourquoi alors garde -t-on dans l’œil (pour ne pas évoquer l’oreille) le volcan de sensualité et de perversion qu’y déchaînait Karita Mattila ? Simplement parce que le personnage y atteignait à une dimension supplémentaire.

Le Jochanaan de Vincent Le Texier laisse un rien indifférent, sobre, tenu, chanté un peu rêche, prophète furieux mais peu diseur. Un sculptural Xavier Mas, splendidement habillé par les lumières de Jean Kalman, donnait un tenue inédite à Narabooth, le bel Assyrien comme le rappelle Hérode, et son page amoureux, sorti d’une toile de Ghirlandaio, émouvait par sa flamme discrète et son timbre ambré (Varduhi Abrahamyan).

Parfaits juifs pinailleurs, emmenés sans répit par Eric Huchet, émouvant Nazaréens (Mahuel di Pierro, Ugo Rabec) disant la vraie parole, flamboyante Hérodiade, amère, acide, cassante de Julia Juon.

Et révélation dans la fosse : Alain Altinoglu dirige avec pondération et émotion, creusant l’orchestre de Strauss, l’analysant sans jamais en perdre les atmosphères et les touffeurs, ni la vivacité du mouvement (quelle Danse !). Tout à fait remarquable.

Le spectacle est toujours un modèle de mise en scène d’opéra : illustratif avant tout, laissant aux chanteurs la place qu’il leur faut pour créer leurs personnages. Un cadre oui, mais qui sert l’œuvre et au fond suffit, même si l’on aimerait voir un jour à Paris la régie exemplaire de Luc Bondy (reprise il n’y a pas si longtemps à la Scala) que même la brillante proposition de David McVicar n’a pu ébranler.

Jean-Charles Hoffelé

Richard Strauss : Salomé - Opéra Bastille, Paris, le 7 novembre, puis les 10, 13, 16, 19 22, 25 novembre et le 1e décembre 2009

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Photo : Opéra national de Paris/ Christian Leiber
 

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