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Compte-rendu : Moment de grâce beethovénienne - Philippe Jordan et François-Frédéric Guy

Le jeune chef suisse Philippe Jordan et le pianiste français François-Frédéric Guy poursuivent leur cycle Beethoven avec le Philharmonique de Radio France, après avoir achevé l’enregistrement des cinq concertos Naïve(1). Le 22 janvier, salle Pleyel, c’était le 3e Concerto en ut mineur qui mit la salle en apesanteur. Après une introduction orchestrale et une entrée du piano sur des œufs, le tout nouveau directeur musical de l’Opéra de Paris rassembla son troupeau et rassura son soliste pour gratifier le public d’un authentique moment de grâce.

Il en résulta dans le Largo central et dans le Rondo une fusion d’une intensité bien rare au concert, les solistes de l’orchestre dialoguant à qui mieux mieux avec le piano. A la fin, les deux protagonistes, sont tombés dans les bras l’un de l’autre. Comme on comprend ce geste spontané ! Ils venaient de parvenir, en public, à faire de la musique de chambre au sommet. Il faut dire qu’on n’a pas souvent l’occasion d’entendre un piano à la fois aussi viril et aussi musicien que celui-ci. Sans mièvrerie aucune, il parle simplement la langue parfois rugueuse de Beethoven. En bis, François Frédéric Guy choisit un très luthérien Prélude en ut du Clavier bien tempéré de Bach comme pour se faire pardonner un excès de sensibilité...

De l’opéra, qu’il connaît aussi bien que son père et qui nourrit chez lui aussi son approche symphonique, Philippe Jordan a appris comment mener le discours musical. Beethoven était encadré par Bartok avec le subtil Divertimento pour cordes, manière de sourire consenti à Paul Sacher à la veille de la catastrophe de la seconde guerre mondiale. Magnifique exercice de haute école où chaque pupitre s’essaie à tous les timbres du grand orchestre. Le Mandarin merveilleux ne s’impose pas cet ascétisme et c’est un débordement de couleurs et de flamme qui s’empare de tous les pupitres sollicités tour à tour et poussés aux limites de leurs possibilités techniques.

Jacques Doucelin

(1) Disponibles séparément pour l’instant, les trois volumes seront regroupés en coffret en juin prochain.

Paris, salle Pleyel, 22 janvier 2010

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Photo : DR
 

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