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Compte-rendu - Les Sept Péchés capitaux au TCE - Péchés véniels

Edward James s’en serait probablement offusqué, lui qui avait fortement doté le beau chèque remis à Kurt Weill pour qu’il composât Les Sept Péchés capitaux à l’intention de sa danseuse d’épouse. Une œuvre certes chantée, mais d’abord chorégraphiée, d’où l’histoire des deux sœurs, l’une chanteuse et l’autre danseuse, réunies par un même prénom, facettes négative et positive d’un même être probablement, mais que la scène doit voir doublement incarné.

En renonçant à cet ingénieux contrepoint où le théâtre peut briller dans d’infinies réfractions en miroir, et en le remplaçant par une simple projection très datée années vingt (sans danse, mais avec un personnage féminin hésitant entre vague à l’âme et hystérie), Juliette Deschamps s’est privée d’un beau sujet, d’une véritable narration et surtout de nombre d’arrière-plans.

Mais en voulait-elle ? Sa lecture plate, convenue, mal articulée semble indiquer qu’elle a ici effectué un survol, peu concernée par l’univers de Brecht, sans véritable connexion avec la musique de Weill : disparues la nostalgie, la langueur douce-amère, l’ironie typiquement berlinoise, le fil se déroule sans rien dire, la bobine cinématographique elle même tourne à vide. Mais du moins les Sept Péchés se regardaient, tandis que le Mahagonny Songspiel encombré d’à-peu-près – et de valises, cliché tellement rebattu sur l’exil – tout en absence de direction d’acteur, comme pressé sur l’avant-scène, ennuyait ferme et poursuivait dans la même voix avec constance. Ce manque de profondeur – scénique et de propos, l’un appelle l’autre – cette manière à peine illustrative, commencent à inquiéter. Juliette Deschamps a-t-elle réalisé son art, si touchant, si juste dans le seul Era la Notte ; se serait-il perdu depuis sans retour ?

En fosse Jérémie Rohrer dirige propre – sinon une balance complètement déséquilibrée durant les cinq premières minutes de Mahagonny – mais sans swing et sans ironie, ne voyant parfois que l’envers poétique de l’œuvre, ce qui est peu, et Angelika Kirchschlager, méchamment attifé par Macha Makeïeff (impayable robe à fleurs, imperméable qui boudine) reste au milieu du gué : ni chanteuse d’opéra ni diva de beuglant, ni Brigitte Fassbaender ni Ute Lemper (pour ne pas évoquer l’acide corrosif de Lotte Lenya), faisant bien tout ce qu’elle fait, mais ne mordant pas assez dans les mots de Brecht, ce que son quatuor masculin faisait avec un plaisir ravageur. A lui la palme, à nous Morphée.

Jean-Charles Hoffelé

Kurt Weill/ Bertold Brecht : Mahagonny Songspiel, Les Sept Péchés capitaux / Paris, Théâtre des Champs Elysées, 12 septembre 2009

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Photo : DR
 

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